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DE L’ATLANTIQUE AU PACIFIQUE

Durant le temps que cet artiste en papier timbré arpentait les mers, les îles et les continents de ces régions américaines, l’Alaska naviguait doucement, l’océan Pacifique ayant bien mérité son nom, et emportait nos amis.

L’air iodé et vivifiant, les soins tendres et assidus faisaient merveille, et Lavarède reprenait ses forces de jour en jour.

Dès que sa raison fut revenue, il demanda comment il se trouvait là, à bord d’un navire américain faisant voile vers « Frisco », comme ils disent là-bas. Miss Aurett dut tout avouer ; et comme il protestait…

— Permettez, interrompit Murlyton, je ne souffrirais pas que nous soyons vos obligés… Vous nous avez sauvés, vous nous avez nourris ; à notre tour, nous en faisons aidant. Comme cela, nous ne nous devrons rien, ni les uns ni les autres.

C’était précis et net ; mais Armand à ce moment échangea avec Aurett un regard expressif qui voulait dire :

— Il se trompe, je vous devrai toujours au moins de la reconnaissance, ne fût-ce que pour la façon si douce dont vous m’avez soigné…

Et la petite miss, énergique et blonde, répondit par un serrement de main qu’on aurait pu traduire ainsi :

— Et moi, je n’oublierai jamais que je vous dois l’honneur, la vie, et aussi une sensation jusqu’alors inconnue à mon cœur.

Bientôt Lavarède se leva.

Le médecin du bord le permit, l’ordonna même, en interdisant tout effort, toute fatigue.

Le jour, il se promenait à l’ombre, appuyé sur Murlyton ; le soir, miss Aurett causait ou lisait.

Tous les livres et les journaux du salon des passagers de première classe y passèrent. Mais une lecture les égaya plus que toutes les autres. Ce fut celle Diario de l’Estado de Panama, journal qui avait paru le matin du départ.

Son correspondant de San José de Costa-Rica rendait compte de « la tentative socialiste » d’un aventurier français qui avait réussi à se