Page:Jérusalémy - Le Festin du jour de l’an à Tahiti.djvu/11

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événements et à certaines personnes qu’il doit savoir mettre ingénieusement en scène, sans avoir à se soucier de l’à-propos ; pour le varier par des imitations et des grimaces qui ne manquent jamais leur effet, fussent-elles, comme le reste, d’ailleurs, des redites infiniment renouvelées ou des « emprunts » faits à des confrères des autres districts.

Les réponses ne se font pas attendre : un « hui-raatira » au nom des habitants, le chef du canton au nom des autorités, et le magister au nom des « himéné », font chacun un discours, le plus long qu’ils peuvent, pour confirmer et louer les paroles de l’« auvâa », sans compter les amateurs d’éloquence qui parlent pour leur compte personnel.

Dès que le coq a fait entendre son premier chant, tous les habitants du village se mettent à leur toilette et sourient intérieurement à l’idée de l’effet que vont produire leurs nouveaux atours dans la réunion préparée de si longue main. À minuit, toute la population protestante prend le chemin de la maison de prière éclairée « à giorno » par des quinquets et des bougies fournis par la libéralité des chefs de famille. Mais, par suite de la longueur de l’office, qui est double ou triple de celui des dimanches ordinaires, le temple se transforme, peu à peu, en un dortoir des plus bruyants et ses alentours en fumoir.

L’emplacement choisi pour l’« amuramâa » est presque toujours le terrain libre qui se trouve devant la maison du chef, construite à l’européenne, ou autour du temple. La plus grande animation règne sur cette place dès la pointe du jour. Les « mataro »[1] du chef et du « péritilini », auxquels se sont joints quelques hommes de bonne volonté, pour la plupart étrangers au district, préparent et allument sur l’un des côtés du terrain des fours canaks, ou dépècent le produit de la chasse faite en commun. Au centre de la place, les jeunes gens du village construisent, avec des troncs de bananiers

  1. Domestiques exemptés d’impôts et de corvées. « Mataro » est une corruption de « matelot », par suite du service de rameurs que ces hommes, doivent principalement fournir au chef du district, qui, il y a peu d’années, encore, ne pouvait se rendre au chef-lieu que par eau et qui doit tenir son embarcation à la disposition de toute réquisition de l’autorité centrale.