Page:Jacob - Souvenirs d’un révolté.djvu/32

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de l’ailloli, mais au pays de la pluie, du brouillard, de la boue et des bistouilles. Mauvais, la pluie et le brouillard pour incendier un bois. Toutes mes allumettes y passèrent. Et puis, non seulement les arbres étaient mouillés, mais encore étions-nous au mois d’avril, fin avril, époque où la sève parcourt toutes les fibres du bois. Une vraie déveine, quoi !

N’ayant plus d’allumettes, force me fut de renoncer au système d’Alcibiade.

Après avoir jeté le coup d’œil de la fin sur mon œuvre à peine ébauchée, je scrutai l’horizon une dernière fois et n’apercevant rien de mauvais pour moi, je continuai ma marche vers l’est, en me dirigeant vers un village dont je voyais les masures.

Une demi-heure après, j’y arrivai en tenant ma tête cachée sous mon pardessus. La matinée étant plus avancée qu’à Limeux, je n’eus pas la chance de passer inaperçu comme en ce dernier village. En le traversant, je rencontrai plusieurs indigènes qui me regardèrent avec une curiosité marquée. Cela ne me surprit point. C’est la coutume de la campagne et de la petite province. Il serait plus aisé de faire le voyage au pôle Nord (couvert seulement d’une feuille de vigne) que de passer dans un village sans éveiller la curiosité publique. Aussi, au lieu de me plaindre d’une chose que je savais inévitable, l’utilisai-je à mon profit, en me renseignant auprès d’une habitante, pour savoir où je pourrais trouver une gare.

— Voyez-vous ce moulin ? me dit une vieille femme toute ratatinée comme une pomme desséchée, en m’indiquant de la main ce point de repère.

Sur ma réponse affirmative :

— Eh bien, un peu plus loin, à Wiry-au-Mont vous trouverez une gare, ajouta-t-elle complaisamment.

Je n’en demandais pas davantage. Atteindre une gare avant que les gendarmeries de la région eussent communiqué entre elles, c’était tout ce que je souhaitais. Je remerciai la bonne vieille et, suivant ses conseils, je mis le cap sur le moulin.

J’avais à peine franchi les confins du village que je m’arrêtai soudain, en fouillant toutes mes poches et contre-poches. Mais, malheur de malheur ! J’eus beau me fouiller, me refouiller, m’archi-fouiller, je ne la trouvai pas. Car, je n’ai pas besoin de vous dire ce que je cherchais, n’est-ce pas ? Vous l’avez déjà deviné ? Eh bien, oui : j’avais oublié ma longue-vue, là-bas, tout là-haut au sommet de l’ondulation, au pied de l’arbre sur lequel j’avais grimpé. Sur le coup, j’en fus peiné :