Page:Jacob - Souvenirs d’un révolté.djvu/5

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t’avais dit, sans te parler d’arrivée ni de départ. T’es une rude cruche, tiens !

— Enfin, c’est fait ; n’y pensons plus, lui dis-je pour atténuer les sarcasmes de Pélissard. À l’avenir, fais en sorte d’avoir meilleure mémoire. Puis changeant la conversation de terrain, j’ajoutai :

— À propos combien d’hôtels as-tu calés ?

— Onze.

— Donnent-ils tous ?

— Allons ! Il y a du bon !… Et dans quelles rues ?…

Tiens ! Éclaire-le donc un peu, dis-je à Pélissard, pour qu’il nous lise la liste.

— Rue Notre-Dame, chaussée des Bois, chaussée Marcadet, place Saint-Pierre…

— C’est tout ?

— Oui. N’est-ce pas suffisant ?

— Si. Mais tu n’as pas su aller aux bons endroits : rue Saint-Gilles, rue Millevoye, rue de la Tannerie. Surtout rue de la Tannerie… C’est là que demeure le curieux.

— Je crois bien avoir passé dans toutes ces rues-là, me dit Bour, mais rien ne donnait.

Après une pause :

— Oh ! Et puis, tu sais, j’en ai calé de belles, ajoutât-il, des nobles, des rentiers, des proprios…

— Eh bien tant mieux ! Allons-y. Nous verrons ça.

Et, allongeant le pas, nous allâmes faire notre tournée d’inspection. La pluie tombait toujours, fine, pénétrante, nous donnant des frissons de froid.

— Cochon de métier ! Cochon de temps ! gémit Pélissard.

— T’impatiente pas, viens ! lui dit Bour. Nous allons bientôt arriver au premier : c’est un noble.

— Je me fous pas mal que ce soit un noble ou un bourgeois, riposta aigrement Pélissard. Le principal, c’est que je trouve un parapluie et un pardessus.

Les quelques voyageurs qui étaient descendus du train avec nous avaient déjà disparu de nos regards. Les rues que nous traversions étaient complètement désertes. Au bout de dix minutes de marche, Bour me prit par le bras, me disant :