Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/147

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Le lendemain, à la soirée commune aux deux sexes, une des plus aimables et des plus rieuses commères de la veille, excellente musicienne qui retenait les airs à première audition, proposa ses services à M. B*** pour l’accompagner au piano. « J’espère que vous allez varier aujourd’hui votre répertoire. Nous savons de source certaine que vous venez de recevoir, par ce dernier courrier, tout un lot de chansons nouvelles dont vous nous réservez la primeur. Ces dames comptent sur votre complaisance pour les distraire. — Mais pardon, Madame, vous faites erreur, et je ne sais qui a pu… — Bah ! bah ! ne faites pas le modeste. Tenez, voici un des airs d’une de vos nouvelles chansons, » et Mme A*** joua sur le piano l’air de la Clef d’Agnès. Le monsieur resta coi. « Vous avez donc oublié les paroles, je vais vous les rappeler un peu, » et la dame chanta le premier couplet :

Agnès était une jeune innocente ;
On la marie à grand Jeannot Nigaud.
La première nuit, la nuit la plus charmante,
Jeannot ne put…

« Eh bien ! voyons, dites le reste ! » Stupéfaction de M. B***, qui garde de Conrart le silence prudent. « Si cette chanson ne vous plaît pas, » reprend la dame, « en voici une autre. » Elle joue l’air de la Dispute entre le Luc et le Noc :

Un jour un luc plein de fierté,
Tint au noc ce langage :
« Zouzous-tu toujours à mon nez,
Et dans mon voisinage ? »


M. B*** regarde la dame avec des yeux effarés et s’esquive précipitamment du salon, accompagné, dans sa fuite, par un éclat de rire général.