Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/148

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Bonnes mœurs et bonté de cœur des dames de Cayenne. — Une pareille liberté de manières ne tourne pas, comme on pourrait le croire, au détriment des mœurs. Sans doute il y a, comme partout, des maris porteurs de bois de cerf et des dames à la cuisse légère. Mais ce sont là des exceptions et non une règle. En général, les dames Créoles gardent la foi conjugale. Ce sont surtout d’excellentes mères de famille. Elles aiment beaucoup leurs enfants. Cet amour de la progéniture est poussé si loin chez elles, que, lorsque leurs maris ont des bâtards avec des filles de couleur ou des Négresses, au lieu de repousser ces enfants, comme on le ferait en France, beaucoup de Guyanaises s’en occupent et leur donnent des secours. À la première communion, on envoie à la fille le voile blanc et le mouchoir, avec le livre de prières ; au garçon le cierge et le ruban du bras. Si le garçon est intelligent, après lui avoir donné un peu d’instruction, on cherche à le caser dans le commerce ou dans l’administration. Si c’est une jolie fille, on l’élève souvent dans la maison, comme parente pauvre, sorte de dame de compagnie.

J’étais un jour en visite chez une des meilleures familles blanches du pays, quand je vis entrer la dame de la maison, tenant dans ses bras un magnifique enfant de couleur, presque blanc. « C’est l’enfant d’une de vos voisines, » Madame, » dis-je. — « No, Mouché, ça pitit à Mouché S. R. » (son mari). Je restai abasourdi, regardant la dame. Elle sourit et me montrant sa femme de chambre, une superbe Mulâtresse aux formes opulentes : « Ça maman là à pitit à Mouché S. R. » Ainsi la femme légitime promenait dans ses bras l’enfant adultérin du mari. Je me borne à cet exemple, mais je pourrais en citer plusieurs autres.