Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/293

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sauver la vie des enfants et des vieillards, il fallait se soumettre et rendre les armes. Seize guerriers répondirent qu’ils préféraient la mort à l’esclavage. Et ils luttèrent à seize, jusqu’à leur dernier souffle, contre plus de cent Canaques qui les accablaient à coup de sagaies et de frondes. C’est pour moi aussi beau que Léonidas aux Thermopyles.

Férocité du Canaque. — On ne peut nier cependant que, malgré sa bravoure, le Canaque ne soit féroce, et sa férocité se double de ruse. Tous les colons massacrés l’ont été par des Canaques qu’ils croyaient leurs amis, et frappés par derrière, au moment où ils s’y attendaient le moins. Le Canaque s’introduisait amicalement dans les maisons des colons et d’un ton mielleux demandait un morceau de biscuit, une feuille de tabac, un coup de tafia ; quand la victime désignée se tournait ou se baissait pour donner l’objet demandé, le tamio lui fracassait la nuque. Beaucoup de colons, apprenant le massacre de leurs voisins, voulaient se réunir armés de leurs fusils, mais les Canaques, leurs amis, qui étaient chargés par leurs chefs de les assommer, les rassuraient en leur disant de ne rien craindre, qu’ils les garderaient et les protégeraient. Les malheureux, hommes, femmes et enfants, tombèrent sous les casse-têtes de leurs prétendus défenseurs. Ce massacre général des Blancs fut dirigé avec ordre et méthode. Si l’insurrection avait été générale, pas un colon ne serait resté vivant. On cite deux cas seulement où le Canaque a eu pitié du Blanc et l’a prévenu qu’il l’égorgerait s’il ne partait pas. Maintenant, il faut dire, à la décharge du Canaque, qu’il était accablé et molesté par le colon, qui ravageait ses plantations avec ses troupeaux, le faisait travailler sans merci, l’injuriait, et souvent même le frappait. Je n’excuse pas la conduite du Canaque, je constate simplement