Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/345

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Au moment où les ombres de la nuit font place aux clartés indécises de l’aube, la Nouvelle-Cythère surgit aux regards et dresse fièrement son énorme silhouette pyramidale, masse gigantesque d’une teinte uniforme bleu sombre, couronnée par le mont Orohena, d’une altitude de deux mille trois cents mètres environ. Les grandes vallées de l’île forment de profondes obscurités qui se creusent sur le flanc des montagnes, dont les sommets s’éclaircissent peu à peu. La vive lumière du jour se répand rapidement, et l’œil ravi assiste à des effets de couleurs inouïs, jusqu’à ce que l’astre du jour, s’élevant comme un disque d’or flamboyant derrière les montagnes, en fasse étinceler les sommets comme des pointes de diamant.

La brièveté de l’aube, qui, sous les tropiques, ne précède le jour que de quelques minutes, donne l’illusion d’une toile de spectacle qui se déroulerait lentement. Moorea, l’île sœur de Tahiti, élevant dans l’azur du ciel ses pics hardis, présente un dernier plan du tableau d’une délicieuse teinte gris rosé. L’œil, habitué au paysage rude de la Nouvelle-Calédonie, à ses monts arides, se repose agréablement sur la riche verdure de Tahiti. Au-delà de la ceinture de récifs, au bord de sa jolie petite rade, Papeete, la capitale de l’île, s’étend paresseusement comme un lézard au soleil. C’est à peine si on voit de la mer l’église et quelques maisons sur le rivage : tout est masqué sous une végétation luxuriante. Et je faisais mentalement la comparaison entre ce site pittoresque et Saint-Louis du Sénégal : l’un, nid coquet de verdure, l’autre, sombre et triste cité, aux murs blancs.

Une barque me dépose à terre. Quelques rues étroites, plantées d’arbres formant berceau de verdure sur la tête du passant, petites maisons basses, à toits de tuiles rouges, entourées de jardins remplis de fleurs et de