Page:Jacobus X - L'amour aux Colonies, 1893.djvu/99

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elle vous précède ; c’est à vous à la suivre, car elle vous conduit dans une rue latérale écartée où stationne une voiture fermée, dont le cocher est toujours un Annamite. Le nay est à côté et fait le guet. Vous entrez dans la voiture avec la petite fille. Le petit garçon s’assied sur le siège à côté du cocher. Une heure de promenade intime coûte une piastre pour les petits malheureux et une demi-piastre pour le cocher. Bien entendu, la promenade a lieu en dehors du Saïgon habité, généralement dans le Jardin Botanique, ouvert nuit et jour, et le cocher vous ramène à domicile si la promenade vous a fatigué.

Si vous désirez une nuit entière, le cocher vous conduit, sur votre demande, dans une case d’un des villages-faubourgs de Saïgon, villages entièrement soustraits à la police Européenne, et ne dépendant que du garde-champêtre communal : les propriétaires de ces cases hospitalières ne sont jamais inquiétés. Vous y trouvez le vivre et le couvert à des prix convenables ; on vous sert du café, du thé, une fumerie d’opium et le personnel pour charger la pipe. Mais gare à votre bourse, car vous aurez de la chance si vous la retrouvez dans votre poche, en vous réveillant, le lendemain matin.

Le boy actuel. — Le boy n’a pas changé de mœurs, mais la crainte des agents de police lui a fait prendre quelques précautions. Il ne se hasarde plus à circuler le soir dans les rues de Saïgon ; il s’est réfugié dans les villages et a établi le centre de ses opérations dans ces cases hospitalières dont je viens de parler, ainsi que dans les tripots clandestins qui, traqués par la police Européenne, ont déserté Saïgon. C’est là que les rares amateurs de sensations dépravées savent le trouver. Cela ne leur coûte que la peine de se faire conduire et ramener en voiture, et ce ne sont pas les indigènes du village qui font attention aux allées et venues de quelques débauchés. Dès