Page:Jammes - Le Deuil des primevères, 1920.djvu/49

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Je ne répondis pas, et tu pris dans la chambre
mon livre bien-aimé, le Paul et Virginie
que, sur le coteau bleu qui n’est qu’une caresse,
j’ai rempli de bruyère ainsi qu’une écolière.

Et mon cœur se calmait, évoquant l’enfant douce
avec un grand chapeau de fleurs des Pamplemousses,
avec l’argentement de ses pieds dans les mousses,
avec le chien Fidèle, et Domingue, et Marie,
avec la nuit tombée sur la case qui prie,
et les ailes des fleurs aux fleurs des colibris.

Ta voix lente, un peu précieuse, se traînait
sur mon âme, comme un baiser qui fait mourir.
Tu refermas le livre et tu me vis pleurant
comme au temps de Rousseau où l’on pleurait toujours,
comme à l’époque bleue où les beaux sentiments
chantaient, dans la vertu (souviens-t’en, d’Houdetot !)
des hymnes au malheur éternel des amans
qui, trop tard réunis, hélas ! s’en vont trop tôt.