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LE DEUIL DES PRIMEVÈRES

… Puis, tu t’épanouis comme la cloche blanche
de quelque fleur rêvée par l’âme d’un étang.
Tu me pressas sur toi, silencieuse et grave.

Un vertige d’azur, charrié par le gave,
sonnait sur les rochers sourds que l’eau claire mire.
Nous voyions passer, de la fenêtre ouverte,
les paysans roides qui allaient à la messe.

Leurs gestes étaient lents et roides, et leurs voix
sonnaient comme un écho bref et fort, et leurs pas
étaient réguliers sur le sol dur. Ça heurtait
l’air. Et les vieilles aux fichus coloriés
comme des jouets, passaient, les gosses devant.
Et les pics pleins de neige semblaient chavirer
dans le glacier du ciel en pierre transparente.

Alors, ô mon amie, mon cœur a éclaté.