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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

ques conseillers du timide cardinal de Fleury, et le vieux cardinal fit bien voir qu’il était noblement conseillé, dans les affaires du roi Stanislas.

Après la mort de sa première femme, notre héros épousa mademoiselle de Guise, princesse de Lorraine, noble et belle et pauvre, il l’aima longtemps avec passion, il la respecta toujours, et quand elle lui fut enlevée par la mort, il la pleura. Il était au siège de Philisbourg, et un soir, comme il revenait de la tranchée, il fut insulté par un parent de sa femme, le prince de Lixen ; il le tua d’un coup d’épée à minuit, à la queue de la tranchée. Le lendemain de ce fatal jour, il monta à l’assaut, et il fut assez heureux pour être blessé à cette même place où il avait tué son parent. Plus tard, il fut nommé gouverneur du Languedoc, et dans cette province il rappela tout à fait, par son faste plein de goût, son entrée triomphale à Madrid sur des chevaux ferrés d’argent et qui perdaient leurs fers à chaque pas. Il apaisa dans cette province les troubles religieux. Plus tard, quand Louis XV s’abandonna sans frein aux passions de sa jeunesse, M. le duc de Richelieu était premier gentilhomme de la chambre du roi, il partageait les plaisirs et les emportements de son jeune maître ; et pourtant, même dans cette licence royale, Richelieu apportait je ne sais quelle décence qui semblait ennoblir même le vice en lui donnant quelque chose de royal. Dans cette partie de sa vie, il fallut au duc de Richelieu bien du tact et bien de l’esprit pour conserver intacte sa réputation d’honnête gentilhomme, mais il était si habile ! il savait si bien parler à la maîtresse régnante ! Il était si fidèle à ces éphémères majestés qui brillaient aujourd’hui d’un si vif éclat pour disparaître le lendemain ; véritables feux follets de l’amour royal !

Ainsi il se servit de madame de Chateauroux pour pousser le Roi à payer de sa personne lorsque la guerre pour la succession d’Autriche embrasa toute l’Europe. Il fut blessé à la journée de Dettingen et son régiment fut taillé en pièces. Le lendemain de ce jour fatal, il ramassait parmi les blessés six cents Anglais qu’il envoyait à l’hôpital. Si Louis XV, à Metz, ne succomba pas à cette maladie mortelle, c’est que le duc de Richelieu était près de son lit pour le protéger contre les prêtres, les médecins, les courtisans, défendant, seul contre tous, la meilleure amie du Roi,