Page:Jaubert - Souvenirs de Madame C. Jaubert. Lettres et correspondances.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« Eh bien ! demanda Mme Berryer en m’apercevant, votre opinion est-elle arrêtée ? Est-ce l’amour ou l’amitié que vous venez de mettre en voiture ?

—Moquez-vous de moi, ma chère, répliquai-je. A cet égard, je ne sais que penser. Vu à la loupe, je crois à l’amitié; mais, à distance, une sorte de mirage me fait supposer un amour réciproque consenti.

Il n’en est rien, Elma! fut-il dit d’un ton d’autorité. Faut-il donc vous répéter que mon époux ne peut rien me cacher ? »

Ce ton affirmatif me fit rire.

« Je ne saurais croire, madame, que cet homme, d’un tact délicat, vous fasse d’aussi étranges confidences.

—Je ne les lui demande pas mais j’ai plus d’un moyen de me tenir au courant de sa vie. Dans Je sommeil, s’il paraît un peu agité, je lui prends la main et l’interroge ; il répond à mes questions.

—Le soupçonne-t-il, le sait-il ? m’écriai-je, au comble de l’étonnement.

—Oui, il le sait. Que lui importe ? Il sait aussi que je suis sa meilleure amie, incapable d’abuser. Mariés tous deux à l’âge de dix-neuf ans, un attachement solide, dont la confiance forme la base, succéda entre nous à l’amour. Remarquez que je dis confiance et non confidence. Il y a des sujets qui vivent à l’état de sous-entendus nous ne les abordons guère. Quant aux lettres qui tombent sous ma main, je les lis sans scrupule. Ainsi, hier, il en est arrivé une dont le timbre seul indiquait le contenu. C’était un rendez-vous, et je m’ingéniais à deviner comment on s’y prendrait pour vous quitter, mesdames. Ce matin, au réveil, mon époux m’a annoncé qu’une affaire au Palais l’obligeait à passer vingt-quatre heures à Paris. Cela me contrarie fort, a-t-il ajouté d’un ton sincère. Vous avez, mes aimables amies, tout l’hon-