Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/316

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seulement parce que notre pays a conscience de sa force défensive et qu’il se demande : Pourquoi se risquerait-on à m’attaquer ? C’est surtout parce qu’il a le sentiment de sa profonde honnêteté. Il sait si bien qu’il est tout entier à des idées de paix et de travail, qu’une agression de l’étranger lui semble impossible, parce qu’elle serait monstrueuse. Il est tellement sûr de lui-même, qu’il sent bien qu’on ne donnera pas le change à l’Europe, et qu’on aura beau mobiliser toute la presse à gages, il n’y aura point de calomnie qui tienne, il n’y aura point de prétexte d’attaque qui reste debout.

Paris était curieux à voir dimanche dernier, s’abandonnant sans arrière-pensée, au lendemain de toutes les paniques de Bourse, à la joie du beau soleil qui était de retour. Le printemps amènera la guerre, avait-on dit, et ce jour de printemps qui, en février, se levait sur nous, devançant l’appel, n’éveillait dans les cœurs que des pensées de fête. La foule se pressait, en riant, aux grandes batailles retentissantes de Guignol et de la gendarmerie : « Quel prétexte avait donc ton maître pour te frapper ? demande le juge. — Eh ! monsieur, il n’avait pas un prétexte, il avait une trique. » Aux nations, aujourd’hui, il ne suffit point d’une trique : il faut encore un prétexte, et ce prétexte, nous ne le donnerons pas. Les jeunes saint-cyriens passaient comme des écoliers en vacances ;