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HISTOIRE SOCIALISTE

« Article premier. Les municipalités actuellement existantes en chaque ville, bourg, paroisse et communauté, sous le nom d’hôtel de ville, mairie, échevinats, consulats, et généralement sous quelque titre et dénomination que ce soit, sont supprimées et abolies, et cependant les officiers municipaux actuellement en service, continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils aient été remplacés.

« Article 2. Les officiers et membres des municipalités actuelles seront remplacés par voie d’élection.

« Article 3. Les droits de présentation, nomination ou confirmation et le droit de présidence ou de présence aux assemblées municipales, prétendus ou exercés comme attachés à la possession de certaines terres, aux fonctions de commandant de province ou de ville, aux évêchés ou archevêchés, et généralement à tel autre titre que ce puisse être, sont abolis.

« Article 4. Le chef de tout corps municipal portera le nom de maire.

« Article 5. Tous les citoyens actifs de chaque ville, bourg, paroisse ou communauté pourront concourir à l’élection du corps municipal.

« Article 6. Les citoyens actifs se réuniront en une seule assemblée dans les communautés où il y a moins de 4,000 habitants, et en deux assemblées de 4,000 à 8,000 habitants, en trois assemblées dans les communes de 8,000 à 12,000 habitants, et ainsi de suite.

« Article 7. Les assemblées ne peuvent se former par métiers, professions ou corporations, mais par quartiers ou arrondissements. »

Ainsi, en ce qui touche l’origine du pouvoir municipal, tout ce qui reste de pouvoir féodal ou corporatif est aboli. Ni les seigneurs, ni les évêques, ni les chefs de corporation ne peuvent plus désigner les officiers municipaux, ou assister de droit aux assemblées municipales. L’oligarchie bourgeoise municipale est supprimée aussi. Les institutions traditionnelles comme la jurade de Bordeaux, le consulat de Lyon disparaissent.

À Lyon, par exemple, il y avait 19 notables pris : 1 dans le chapitre de Saint-Jean, 1 dans le reste du clergé, 1 dans la noblesse, 1 dans le présidial, 1 parmi les trésoriers de France, 1 dans le siège de l’élection, 1 dans la communauté des notaires, 1 dans celle des procureurs, 5 parmi les commerçants, 4 dans la communauté d’arts et métiers ; ces 19 notables élisaient les 4 échevins et dressaient la liste des trois candidats nobles parmi lesquels le roi choisissait le prévôt des marchands. Des combinaisons analogues régissaient la plupart des villes importantes.

Tout cet échafaudage mêlé d’ancien régime et de bourgeoisie s’effondra sous les premiers coups de la Révolution, et quand on dit que celle-ci a été une Révolution « bourgeoise », il faut s’entendre. Elle n’a pas été faite par une oligarchie bourgeoise : elle a été faite, au contraire, contre l’oligarchie bourgeoise qui s’était incorporée à l’ancien régime : et la bourgeoisie révolutionnaire avait assez de confiance en la force de ses richesses, de ses lumières,