Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/406

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se révèle tous les jours plus grande dans la Révolution qui grandit ? Lui-même, l’incomparable optimiste, n’a pu rêver cette ascension de tous du fond de l’ignorance vers la lumière que parce que tous, du fond de l’impuissance et de la passivité récentes étaient montés en quelques années vers l’action. Dans la sérénité de la lumière philosophique, je démêle le reflet de regards ardents ; et dans cette large clarté étendue aux horizons futurs, une vibration de flamme révolutionnaire. C’est le même Condorcet qui avait en 1790, à l’Hôtel de Ville, demandé le droit de suffrage pour tous, qui maintenant, devant la Législative, demande la pensée pour tous.

» Dans son plan, il ne se borne pas à retenir les enfants à l’école plus longtemps que ne l’avait prévu la Constituante. Il continue l’œuvre d’éducation toute la vie. D’abord « chaque dimanche l’instituteur ouvrira une conférence publique à laquelle assisteront les citoyens de tous les âges, nous avons vu dans cette institution un moyen de donner aux jeunes gens celles des connaissances nécessaires qui n’ont cependant pu faire partie de leur première éducation. On y développera les principes et les règles de la morale avec plus d’étendue ainsi que cette partie des lois nationales dont l’ignorance empêcherait un citoyen de connaître ses droits et de les exercer. »

«…Les conférences hebdomadaires proposées pour ces deux premiers degrés (écoles primaires et secondaires) ne doivent pas être regardées comme un faible moyen d’instruction, 40 ou 50 leçons par année peuvent renfermer une grande étendue de connaissances, dont les plus importantes répétées chaque année, finiront par être entièrement comprises et retenues pour ne plus pouvoir être oubliées. En même temps une autre portion de cet enseignement se renouvellera continuellement, parce qu’elle aura pour objet soit des procédés nouveaux d’agriculture ou d’art mécanique, des observations, des remarques nouvelles, soit l’exposition des lois générales, à mesure qu’elles seront promulguées, le développement des opérations de gouvernement d’un intérêt universel. Elle soutiendra la curiosité, augmentera l’intérêt de ces leçons, entretiendra l’esprit public et le goût de l’occupation.

« Qu’on ne craigne pas que la gravité de ces instructions en écarte le peuple. Pour l’homme occupé de travaux corporels le repos seul est un plaisir, et une légère contention d’esprit un véritable délassement, c’est pour lui ce qu’est le mouvement du corps pour le savant livré à des études sédentaires, un moyen de ne pas laisser engourdir celles de ses facultés que ses occupations habituelles n’exercent pas assez.

« L’homme des campagnes, l’artisan des villes, ne dédaignera point des connaissances dont il aura une fois connu les avantages par son expérience ou celle de ses voisins. Si la seule curiosité l’attire d’abord, bientôt l’intérêt le retiendra. La frivolité, le dégoût des choses sérieuses, le dédain pour ce qui n’est qu’utile ne sont pas les vices des hommes pauvres ; et cette prétendue stupidité, née de l’asservissement et de l’humiliation, disparaîtra bientôt