Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/436

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Ce n’est pas un manifeste républicain. Roland proclame, au contraire, que la Constitution peut vivre, à condition que le roi la pratique dans un esprit révolutionnaire, qu’il cesse d’entraver le pouvoir législatif. Mais, sous des formes mesurées, c’était un brutal dilemme : « Ou le roi renoncera en fait, à l’exercice du veto, ou la Constitution périra. » Et dans les deux cas, c’est bien un changement de la Constitution que le ministre girondin propose ou impose au roi.

L’avènement gouvernemental de la Gironde avait, en quelque sorte, resserré le champ où se heurtaient la Révolution et la royauté… « La Déclaration des Droits de l’Homme est devenue un évangile politique, et la Constitution française une religion pour laquelle le peuple est prêt à périr. »

« Aussi le zèle a-t-il été déjà quelquefois jusqu’à suppléer à la loi, et lorsque celle-ci n’était pas assez réprimante pour contenir les perturbateurs, les citoyens se sont permis de les punir eux-mêmes. C’est ainsi que des propriétés d’émigrés ont été exposées aux ravages qu’inspirait la vengeance ; c’est pourquoi tant de départements se sont vus forcés de sévir contre des prêtres que l’opinion avait proscrits, et dont elle aurait fait des victimes.

« Dans ce choc des intérêts, tous les sentiments ont pris l’accent de la passion. La patrie n’est point un mot que l’imagination se soit complu d’embellir ; c’est un être auquel on a fait des sacrifices, à qui l’on s’attache chaque jour davantage par les sollicitudes qu’il cause, qu’on a créé par de grands efforts, qui s’élève au milieu des inquiétudes, et qu’on aime parce qu’il coûte autant que par ce qu’on en espère. Toutes les atteintes qu’on lui porte sont des moyens d’enflammer l’enthousiasme pour elle. À quel point cet enthousiasme va-t-il monter, à l’instant où les forces ennemies réunies au dehors se concertent avec les intrigues intérieures pour porter les coups les plus funestes ?

« La fermentation est extrême dans toutes les parties de l’Empire ; elle éclatera d’une manière terrible, à moins qu’une confiance raisonnée dans les intentions de Votre Majesté ne puisse enfin la calmer, mais cette confiance ne s’établira pas sur des protestations ; elle ne saurait plus avoir pour base que les faits.

« Il est évident pour la nation française que la Constitution peut marcher ; que le gouvernement aura toute la force qui lui est nécessaire, du moment où Votre Majesté, voulant absolument le triomphe de cette Constitution, soutiendra le Corps législatif de toute la puissance de l’exécution,ôtera tout prétexte aux inquiétudes du peuple, et tout espoir aux mécontents.

« Par exemple, deux décrets importants ont été rendus ; tous deux intéressent essentiellement la tranquillité publique et le salut de l’État.

« Le retard de leur sanction inspire des défiances ; s’il est prolongé, il causera du mécontentement ; et, je dois le dire, dans l’effervescence actuelle