Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/484

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l’impression du discours de Dumas. C’était cinq jours après la démarche de Lafayette : il avait bien décidément perdu la partie.

Chose curieuse et dramatique ! Le jour même où Vergniaud enveloppait le château des Tuileries de larges éclairs, qui par toutes les fenêtres devaient entrer comme des glaives de feu, la reine Marie-Antoinette adressait à Fersen un billet plein d’espérance :

« J’ai reçu votre lettre du vingt-cinq, no onze. J’en ai été bien touchée. Notre position est affreuse, mais ne vous inquiétez pas trop ; je sens du courage, et j’ai en moi quelque chose qui me dit que nous serons bientôt heureux et sauvés. Cette seule idée me soutient. L’homme que j’envoie est pour M. de Mercy ; je lui écris très fortement pour décider qu’enfin on parle. Agissez de manière à en imposer ici ; le moment presse et il n’y a plus moyen d’attendre. J’envoie les blancs-seings comme vous les avez demandes.

« Adieu, quand nous reverrons-nous tranquillement ? »

C’est sans doute en cette soirée du 3 juillet qu’elle disait à Madame Campan, en lui montrant la nuit sereine : « C’est libre bientôt et joyeuse que je contemplerai cette lune au doux éclat. »

D’où venait son espoir en cette heure tragique où la Révolution grondait autour d’elle, où le bruit hostile de la rue ne tombait un moment que pour laisser éclater la parole tribunitienne ? C’est d’un manifeste des alliés qu’elle attendait le salut : c’est de la prochaine chevauchée de Brunswick, et dans le château des Tuileries, peu à peu transformé en forteresse, le roi et la reine attendaient l’apparition de l’étranger libérateur. Déjà Marie-Antoinette se voit sur le seuil du palais, dont les rois et les généraux gravissent les marches.

C’est le 7 juillet que l’Assemblée adopte définitivement la procédure « de la patrie en danger ». Ce n’est pas seulement un appel aux énergies nationales et aux dévouements révolutionnaires ; c’est une organisation de défense :

« L’Assemblée nationale, considérant que les efforts multipliés des ennemis de l’ordre et la propagation de tous les genres de troubles dans les diverses parties de l’Empire, au moment où la nation, pour le maintien de sa liberté, est engagée dans une guerre étrangère, peuvent mettre en péril la chose publique, et faire penser que le succès de notre régénération politique est incertain ;

« Considérant qu’il est de son devoir d’aller au devant de cet événement possible et de prévenir, par des dispositions fermes, sages et régulières, une confusion aussi nuisible à la liberté et aux citoyens que le serait alors le danger lui-même ;

« Voulant qu’à cette époque la surveillance soit générale, l’exécution plus active, et surtout que le glaive de la loi soit sans cesse présent à ceux