Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/202

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Conseil général définitif, que sur les 30 sections qui devaient réélire, 28 seulement ont envoyé leurs procès-verbaux. Les sections du Mont-Blanc et du Panthéon français ont refusé de nommer de nouveaux membres, malgré le rejet fait par la majorité des sections de ceux qu’elles avaient précédemment élus. Celles des Champs-Élysées, des Gardes-Françaises, de Popincourt, des Quinze-Vingt et de l’Observatoire ont procédé à un nouveau scrutin, dont le résultat a présenté les mêmes sujets qui avaient été rejetés.

« Les sections du Temple et des Gravilliers n’ont pas encore envoyé leurs procès-verbaux, quoique invitées à trois reprises différentes. »

Ce sont les deux sections sur lesquelles Jacques Roux avait le plus de prise. Celle du Temple, voisine de celle des Gravilliers, se solidarisait avec elle, et sans doute les délégués du Temple exclus comme Jacques Roux pour les Gravilliers devaient être de ses partisans. La section des Gravilliers marquait-elle quelque hésitation, quelque crainte de se compromettre à fond avec Jacques Roux en ne le réélisant pas purement et simplement, comme plusieurs sections le firent pour leurs délégués ? Cette réélection était évidemment illégale puisque le scrutin opératoire de l’ensemble des sections n’était plus qu’une dérision si chaque section pouvait ensuite déléguer au Conseil de la Commune ceux que le scrutin général avait refusés. Mais ce n’est probablement pas ce scrupule de légalité qui retint la section des Gravilliers. Je suis porté à croire que l’attitude de ces deux sections, le Temple et les Gravilliers, répond à la politique discrète et profonde du prêtre : À quoi bon s’user dans un conflit sans dignité et sans issue avec la Commune ? Elle décidait précisément le 19 mars : « Le corps municipal a pensé que la réélection des membres rejetés par la majorité des sections était une lésion du droit de ces mêmes sections. » Il valait bien mieux marquer par une abstention prolongée que les sections du Temple et des Gravilliers, atteintes par le vote qui excluait Jacques Roux, se désintéressaient de la vie de la Commune et formaient une force indépendante capable de se replier sur soi. C’est ce que firent d’abord ces sections ; puis, avec un accord qui marque bien l’inspiration d’une volonté unique, elles nommèrent de nouveaux commissaires.

L’orage de révolution et de guerre civile allait grondant toujours plus fort en mars et avril : qu’importait à Jacques Roux de n’être plus officiellement délégué à la Commune ? Les moyens d’action ne lui manqueraient pas. L’essentiel pour lui était d’avoir gardé la sympathie et la confiance des Gravilliers, et il apparaît bien qu’elle ne subit même pas une éclipse ; lorsque, en juin, Jacques Roux ira parler devant la Convention et y affirmer son programme, ce sera comme « orateur de la députation des Gravilliers » et de Bonne-Nouvelle. Ces sections centrales restent donc l’inébranlable forteresse de Jacques Roux et du parti nouveau que Hébert et Marat appellent déjà les Enragés.