Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/219

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amis désirent passionnément la mort de Louis XVI, d’abord parce qu’il leur semble que cet exemple de sévérité donné de si haut ira épouvanter dans leurs réduits tous les conspirateurs, et ensuite parce que la fin de cette sourde conjuration marquera la fin de la disette :

« Depuis trois mois, s’écriait-il en janvier, la Convention aurait dû débarrasser la terre d’un tel fardeau, Louis étant encore en vie est toujours à la tête de nos ennemis : pourquoi recourir à des juges ? Le tribunal qui doit le juger, c’est la foudre du peuple. Brutus ne s’arrêta point à faire le procès de César : il le frappa de vingt coups de poignards. Avec le perfide et dernier Louis, s’évanouiraient toutes les conspirations contre la souveraineté nationale. Le peuple aura du pain, n’en doutons pas : le premier article de la loi que nos législateurs doivent faire sur les subsistances, c’est de prononcer la mort du tyran. »

Des tables furent dressées sur les places et dans les rues de Lyon : et des signatures étaient recueillies sur une pétition qui condamnait l’appel au peuple, et exigeait la mort immédiate du roi. Le citoyen Lambert la porte à la Convention où il ne peut être admis, et de là, le 20 janvier, aux Jacobins. Elle était inutile, puisque tout était à la veille de s’accomplir : mais elle venait mêler à l’ardeur révolutionnaire de Paris le feu sombre de la révolution lyonnaise. Elle était dirigée expressément contre la Gironde autant que contre le roi.

« Les sans-culottes de Lyon se sont rassemblés : ils ont exprimé leur vœu. Nous nous réunirons demain aux Fédérés, dans cette salle, et nous nous féliciterons avec eux de la mort du tyran. Il faut que les Brissot, les Buzot, les Barbaroux soient anéantis politiquement… Les Roland et les Brissot n’ont aucune prépondérance dans leur département, et bientôt l’illusion cessera dans tous les coins de la France. »

C’était le désaveu de Roland par la cité de Roland, ou au moins par ses patriotes les plus ardents. J’observe qu’à la Convention, dans le vote sur la peine à infliger à Louis, les députés lyonnais amis de Chalier traduisirent cette impatience presque frénétique. À la file, Noël Pointe, Cusset, Javognes rendirent la même sentence. Noël Pointe dit : « Un républicain ne peut souffrir ni roi, ni images de la royauté. Je vote pour la mort ; je la demande dans les 24 heures. » Cusset dit : « Je ne crains pas de cumuler sur ma tête les fonctions de juge et de législateur. Je demande la mort dans les 24 heures. » Javognes dit : « Pour préserver les âmes pusillanimes de l’amour de la tyrannie, je vote pour la mort dans les 24 heures. »

Hors d’eux je ne vois que trois députés qui aient ainsi formulé leur vote : Poultier (du Nord), Billaud-Varennes et Marat. Tous les autres, même les robespierristes extrêmes, même les maratistes comme Sergent et Panis directement compromis dans les massacres de septembre, votent simplement la mort. Au fond, il allait de soi qu’à moins d’un vote ultérieur et for-