Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gueur contre tous ceux qui veulent porter atteinte aux propriétés. » (Vifs applaudissements.)

Mais si Cambon veut protéger, même par de terribles lois pénales, la propriété, s’il veut la mettre à l’abri non seulement de toute atteinte mais de toute menace, ce n’est pas à la mode des Feuillants qui disaient : Prenez garde, ne touchez qu’avec précaution aux biens de l’Église, et aux biens des nobles, car en détruisant ces formes de la propriété, vous ébranlez tout le système de la propriété. Au contraire, c’est pour mieux assurer le transfert d’une masse énorme de propriétés ecclésiastiques et de biens d’émigrés que Cambon veut protéger, aux mains des acquéreurs, des nouveaux possédants, la propriété.

Le même jour, dans le même discours, il demandait à la Convention d’organiser et de hâter la vente des biens des émigrés. La Révolution avait une confiance indomptable dans l’ordre nouveau qu’elle fondait. Elle savait qu’il y avait une différence immense entre la propriété corporative d’Église et la propriété individuelle et qu’elle pouvait abolir celle-là sans inquiéter celle-ci. Elle savait aussi qu’en arrachant aux émigrés les biens dont ils pouvaient user contre la liberté et contre la France, elle faisait œuvre nécessaire de défense et de salut. Et si des téméraires prétendent abuser de cet énorme déplacement de propriété pour contester la propriété elle-même, s’ils prétendent tourner contre l’ordre nouveau les mesures adoptées pour le créer et pour le sauver, la Révolution ne s’arrêtera pas pour cela. Elle ne suspendra ni la vente des biens d’Église ni la vente des biens d’émigrés, mais elle veillera par des lois terribles à ce que nul n’enveloppe la propriété en son ensemble dans la proscription qui frappe la propriété d’Église et la propriété d’émigration.

Il semble que cette agitation sociale qui dépassait Marat pour aller à Jacques Roux, qui effrayait les Jacobins et la Montagne elle-même et qui, au témoignage de Cambon, compromettait jusqu’à la vente des biens nationaux, base économique et financière de la Révolution, devait servir la Gironde. Voilà bien, disait-elle, où conduit la complaisance pour l’anarchie. Voilà le châtiment de ceux qui flattent toujours les passions du peuple. Le journal de Brissot, en son numéro du 2 mars, reproduisait un article du Journal français qui montre bien le parti que la Gironde essayait de tirer des événements.

« C’est probablement cette canonisation du massacre (du 2 septembre) qui a donné l’idée aux auteurs du Journal français, de la Constitution laconique et énergique que ces messieurs nous préparent. Ces journalistes l’attribuent à Robespierre et à Collot d’Herbois ; ils se trompent, elle est trop spirituelle en doctrine anarchique, pour ne pas sortir de la plume de Marat, qui a prouvé sa supériorité sur ses protégés.