Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/263

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la cour fut découverte. Il espère peu à peu faire prévaloir ses idées, sa tactique ; et il croit que lui, l’homme d’expérience, âgé de plus de cinquante ans, il deviendra le conseiller des hommes beaucoup plus jeunes qui siègent à la Montagne. Il aspire à être le mentor tour à tour grondant et apaisé de la Révolution. Il veut, avant tout, être considéré comme un profond politique, et il triomphe de l’habileté avec laquelle il a éludé les fureurs de ses ennemis.

« Si j’avais à parler à des politiques profonds, je me servirais du même exemple (les journées de septembre) pour démontrer que je suis la tête la plus froide de la République.

« …Je dois observer ici comment les suppôts de la clique Roland se sont fourvoyés sur mon compte depuis l’ouverture de la Convention jusqu’à l’époque de la condamnation du tyran. Comme ils méjugeaient une tête fougueuse, qui leur donnerait à tout instant prise sur moi, et matière à me perdre, ils m’accordaient la parole avec une facilité qui avait lieu de surprendre les patriotes irréfléchis ; mais ayant bientôt reconnu que je ne disais que ce que je voulais dire, que j’étais toujours en mesure avec les événements du jour, et que je n’ouvrais guère la bouche sans les démasquer ou les écraser, ces messieurs prirent le parti de m’écarter de la tribune et de me condamner au silence. J’ai un trait plus saillant, mais moins connu. On sait avec quelle tartuferie les meneurs de la clique Roland avaient formé le complot de décrier la députation de Paris, et de diffamer ses membres les plus énergiques, auxquels ils prêtaient ridiculement des projets de dictature.

« On sait avec quelle constance ils en ont poursuivi l’exécution pendant plus de quatre mois. J’étais le principal objet de leurs calomnies quotidiennes.

« Qu’ai-je fait ? je les ai mis en fureur et les ai poussés hors des gonds, en les provoquant de temps en temps par de graves dénonciations. Ainsi cinquante plumes vénales étaient sans cesse occupées à vomir contre moi mille horreurs, à me peindre comme un scélérat couvert de tous les crimes, comme un monstre que la Convention n’expulserait pas simplement de son sein, mais qu’elle allait d’un instant à l’autre frapper d’un décret d’accusation et mettre sous le glaive des lois.

« Cependant ce décret d’accusation tant de fois annoncé ne venait pas, et l’homme représenté comme un malfaiteur restait fort tranquille au sein de la Convention à braver ses calomniateurs et à démasquer les ennemis du peuple. La conséquence nécessaire qui se présentait à tout homme d’un sens droit, c’est que le prétendu scélérat était un innocent calomnié, un zélé patriote, un intrépide défenseur de la patrie persécutée : j’avais prévu cette conséquence et je l’avais préparée avec soin. »

Et il ajoute, avec une abondante complaisance pour lui-même :

« Si l’on examine attentivement le rôle que j’ai joué dans les affaires publiques, depuis le premier jour de la Révolution, on verra que je me suis attaché à préparer les événements. Je suis arrivé à la Révolution homme