Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/354

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la Convention, qu’il n’était d’ailleurs au pouvoir de personne de calomnier une grande assemblée, et que celle-ci ne pouvait être avilie que par elle-même, si elle trahissait son devoir. Le malaise pour lui était de réclamer l’inviolabilité due aux représentants, sans couvrir d’avance la Gironde de cette inviolabilité. Il n’esquiva pas la difficulté.

« L’acte d’accusation, avait-il déclaré dans un mémoire écrit, est donc nul et de nul effet, en ce qu’il est diamétralement opposé à une loi fondamentale qui n’a pas été révoquée, et qui ne peut point l’être ; il est nul et de nul effet en ce qu’il attaque le plus sacré des droits d’un représentant du peuple. Ce droit n’emporte pas celui de machiner contre l’État, de faire une entreprise contre les intérêts de la liberté…, etc. »

Le tribunal révolutionnaire, composé des hommes en qui le Patriote français exprimait récemment son entière confiance, déclara à l’unanimité qu’il n’était pas constant que l’accusé ait provoqué dans les écrits dénoncés, le meurtre et le pillage, le rétablissement d’un chef de l’État, l’avilissement et la dissolution de la Convention. »

Marat fut porté en triomphe à la Convention par le peuple : le cortège obtint la permission de défiler ; et Marat, embrassé par les patriotes de la Montagne, acclamé par les tribunes, sembla un moment le roi de Paris.

Aussi bien, les sections de Paris n’avaient pas attendu le jugement pour porter un coup droit aux chefs girondins. Dans une salle voisine de l’Hôtel-de-Ville, à l’Évêché, les forces révolutionnaires, les délégués des sections se réunissaient. Ils rédigèrent une adresse qui était un acte d’accusation direct contre les chefs de la Gironde. Elle fut lue à la Convention par Rousselin, le 15 avril :

« Les Parisiens ont commencé les premiers la Révolution, en renversant la Bastille… Ils ne viennent pas faire acte exclusif de souveraineté, comme on les en accuse tous les jours ; ils viennent émettre un vœu auquel la majorité de leurs frères des départements donnera force de loi ; leur position seule leur donne l’initiative du cri de la vengeance.

« Nous reconnaissons ici solennellement que la majorité de la Convention est pure, car elle a frappé le tyran. Ce n’est donc point la dissolution effrayante de la Convention, ce n’est point la suspension de la machine politique que nous demandons ; loin de nous cette idée vraiment anarchique imaginée par les traîtres, qui, pour se consoler du rappel qui les chassera de cette enceinte, voudraient au moins jouir de la confusion et du trouble de la France. Nous venons, armés de la portion d’opinion publique de la Commune de Paris provoquer le cri de vengeance que va répéter la France entière : nous allons lui indiquer les attentats et les noms de ces perfides mandataires. »

Et après un réquisitoire étendu, où Guadet, Vergniaud, Brissot et Pétion, surtout ces deux derniers, étaient particulièrement mis en cause, ils concluaient :