Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/355

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« Nous demandons que cette adresse, qui est l’expression formelle des sentiments unanimes, réfléchis et constants des sections composant la Commune de Paris, soit communiquée à tous les départements par des courriers extraordinaires, et qu’il y soit annexé la liste ci-jointe de la plupart des mandataires coupables du crime de félonie envers le peuple souverain, afin qu’aussitôt que la majorité des départements aura manifesté son adhésion, ils se retirent de cette enceinte.

« L’assemblée générale des sections de Paris, après avoir mûrement discuté la conduite publique des députés de la Convention, a arrêté que ceux énoncés ci-après avaient, selon son opinion la plus réfléchie, ouvertement violé la foi de leurs commettants ;

« Brissot, Guadet, Vergniaud, Gensonné, Grangeneuve, Buzot, Barbaroux, Salle, Biroteau, Pontécoulant, Pétion, Lanjuinais, Valazé, Hardy, Jean-Baptiste Louvet, Gorsas, Fauchet, Lanthenas, Lasource, Valadié, Chambon. »

C’est en vain que les délégués des sections s’ingéniaient à retenir un reste ou un semblant de légalité. Oui, la Commune de Paris n’exerçait que sa portion de souveraineté. Oui, elle s’appliquait à rassurer les départements contre toute crainte d’usurpation et de dictature parisienne. Mais elle prenait une initiative singulièrement audacieuse et qui l’obligeait à aller jusqu’au bout. Car pourquoi ne pas attendre que les commettants directs des députés accusés aient formulé eux-mêmes l’acte d’accusation ?

S’il est vrai qu’ils ont « violé la foi de leur mandants », c’est d’abord à leurs mandants à le dire. Et si la Commune de Paris répond qu’elle est mieux placée pour voir l’intrigue, elle sera mieux placée aussi pour la réprimer, et l’initiative dans l’accusation conduit nécessairement à l’initiative dans l’insurrection. Cette initiative est d’autant plus grave que ce n’est pas en vertu d’une règle, par l’application d’un critérium fixe, que la Commune dénonce vingt-deux députés. Non seulement elle ne traduit pas devant les assemblées primaires tous les « appelants ». Mais parmi les vingt-deux députés qu’elle veut chasser de la Convention, il en est huit qui ont voté la mort du roi. C’est donc bien un choix souverain, sinon arbitraire, fait par les délégués des sections. Et ils ont beau demander que les départements soient consultés. Ils ont tracé d’avance les limites et le sens de cette consultation.

Aussi bien, ils seront obligés d’exécuter eux-mêmes et de rendre définitive la sentence provisoire qu’ils ont portée. Car, leur respect pour la formule de la souveraineté nationale cédera bientôt aux nécessités révolutionnaires. Ils font vraiment trop le jeu de la Gironde, ils risquent trop de désorganiser les forces de la Révolution et de morceler la France en faisant appel aux départements. Tout de suite, Lasource et Boyer-Fonfrède ont vu la faute que les délégués des sections commettent par timidité révolutionnaire, par scrupule de légalité. Tout de suite, ils demandent que la pétition des sections soit convertie en motion et adoptée. Ils demandent surtout qu’elle soit élargie.