Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/356

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Si les délégués des sections de Paris ont le droit de soumettre au peuple des listes d’exclusion, les citoyens des départements ont le même droit. Il y a donc une procédure bien plus simple et bien plus large : que tous les députés de la Convention soient soumis au jugement politique du peuple tout entier, ce ne sera plus une sentence locale et partielle, mais un jugement universel devant lequel s’inclineront toutes les factions.

En fait, c’était la guerre civile ; car chaque région se serait prononcée pour certaines catégories de députés, pour certains partis, et la lutte des factions se serait traduite par un déchirement de la France. Vergniaud le sentit et il décida Lasource et Boyer-Fonfrède à retirer leur motion, à dire qu’ils ne l’avaient formulée que pour faire apparaître les conséquences logiques de la pétition des sections parisiennes. La Convention toute entière passa à l’ordre du jour. La Montagne avait vu le danger comme la Gironde.

Quand Lasource, en cette séance du 16 avril, accusa Robespierre d’avoir été un des rédacteurs de l’adresse des Jacobins qui invitait les départements à retirer leurs mandats aux appelants, Robespierre s’écria : « Ce n’est pas vrai ; c’est une imposture ». Robespierre avait le droit de protester, car sa signature n’était pas en effet au bas du document, et cette adresse était tout à fait contraire à sa politique. Ce qui est vrai, c’est qu’il était débordé ; c’est que les Jacobins s’engageaient de plus en plus dans la voie que Danton avait ouverte par son discours du 1er avril. Ils allaient même au delà. Et de plus en plus ils songeaient à substituer l’initiative de Paris à l’action de la France pour l’épuration de la Convention. Quand, le 20 avril, les Jacobins écrivent aux sociétés affiliées pour protester contre la saisie de leur première circulaire, opérée dans quelques départements, ils disent ceci :

« Citoyens des départements, vous êtes plus ou moins éloignés du lieu de la scène des révolutions et des projets de contre-révolution ; rapportez-vous-en aux bons citoyens de Paris sur la connaissance des hommes d’État, des hommes à prétentions dictatoriales et fédéralistes, comme ces citoyens s’en rapportent tous les jours à vous sur les personnages importants de vos départements, relativement à ce qui s’y passe. »

La comparaison n’est pas exacte, car la Convention n’était pas un directoire de département, elle était une force nationale qui ne devait, en principe, relever que de la volonté nationale toute entière. Mais le mouvement révolutionnaire se précisait et Paris évoquait le jugement suprême des hommes et des choses. Tout d’abord, on invitait les départements à dire s’il n’y avait pas lieu de briser le mandat des appelants ; c’est la première consultation, encore légale, des Jacobins ; puis les sections de Paris se risquent à désigner elles-mêmes les députés sur lesquels devra porter particulièrement l’examen de leurs mandants, et voici que dans la circulaire du 20 avril Paris commence à faire entrevoir aux départements qu’il a seul qualité et compétence pour