Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/426

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« On nous marque que Chabot fait rage dans l’Aveyron, fait rouler les lettres de cachet, la guillotine, et toujours au milieu des plaisirs. Cependant deux lettres de Chabot, écrites dans le meilleur esprit, semblent attester le contraire. Chabot s’y proclame hautement ami de l’ordre et de l’humanité. Dans le doute, nous aimons mieux croire le dénoncé que le dénonciateur, et inviter Chabot à persister dans cette glorieuse profession de foi ; nous oublierions avec bien du plaisir que la sévérité de notre ministère nous a souvent fait un devoir de poursuivre ce député.

« On nous marque de Bayonne que Choudieu, Rousseau, Projean, distribuent aussi des lettres de cachet contre ceux qui ne fléchissent pas le genou devant le maratisme, tiennent en état d’arrestation de bons citoyens, même après avoir visité les papiers et n’avoir rien trouvé de suspect, etc.

« La visite de tous ces commissaires, dont la plupart sont anarchistes, doit avoir appris aux départements à bien connaître leur doctrine et leur conduite. C’est le plus violent despotisme sous le nom de liberté, et ils ne veulent point de constitution, parce qu’ils veulent prolonger ce despotisme si doux à leur cœur. »

En fait, les commissaires de la Convention se heurtaient partout à des difficultés immenses. L’élan patriotique était vif ; mais ils avaient à lutter contre la baisse des assignats qui bouleversait toutes les transactions, et ils constataient partout l’inquiétude répandue au loin par les luttes des partis dans la Convention. Qui sait si la Convention même n’allait pas être dissoute ? De Chambéry, les commissaires Hérault, Simond dénoncent « l’infernal agiotage des Genevois », qui spéculaient sur les variations de prix de l’assignat et du métal. De Strasbourg, les Conventionnels signalent que les assignats perdent 70 pour 100. De Saint-Jean-de-Luz, Ysabeau et Mazade écrivent le 22 avril au Comité de salut public :

« Bayonne est le centre de l’agiotage, de l’avidité et de la cupidité mercantiles. L’argent y est toujours vendu publiquement. Un petit nombre de gens à coffrefort, qui tiennent toute la ville sous leur domination, ont avili jusqu’ici le cours et la valeur des assignats. Le mal s’est propagé au loin et y a jeté de profondes racines… »

Et comme les conventionnels avaient pris des mesures vigoureuses contre l’agiotage, comme ils avaient défendu qu’on achetât des assignats au rabais :

« Vous pouvez vous figurer, disent-ils, le déchaînement des riches contre nous. Leur rage est au comble et ils nous poursuivent, suivant leur usage, par les armes de la calomnie… Nous donnons cours partout aux assignats… les pauvres et les soldats nous bénissent. »

De la Seine-Inférieure, les commissaires écrivent « que le pain y est cher et que le peuple n’est pas toujours assuré d’en avoir. »

Évidemment, ou la Révolution fléchira et elle sera envahie par le roya-