Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/428

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serait réorganisée, et un comité de surveillance serait établi dans chaque district. Sous l’impulsion des Conventionnels, un vif mouvement populaire se développait. Un délégué du conseil du département, Farjanel, constatait avec joie l’énergie des villes de Gaillac, Lisle, Rabastens. Les municipalités traquaient jusque dans les emblèmes les derniers restes de la féodalité ; elles faisaient abattre les écussons, fleurs de lys et armoiries dont étaient marqués les tableaux d’église et les portes des nobles. Elles allaient jusqu’à faire effacer les écriteaux portant le noble jeu du billard ; elles exigeaient que les ci-devant nobles remettent tous leurs vieux parchemins, et le 23 mars, dans une fête patriotique à Puycelsy, on jetait aux flammes ces titres « qui de suite infectaient l’air » ; on dansait la farandole, on se donnait le baiser fraternel et on faisait un grand repas « à la sans-culotte ».

Mais sans doute toute cette action révolutionnaire se développait surtout en surface, car bientôt le Tarn sera un des foyers du fédéralisme. Évidemment il y avait dans le pays, à des profondeurs diverses, bien des courants et des contre-courants.

De Vienne, Amar et Merlino, représentants dans l’Ain et dans l’Isère, écrivent, le 9 mai, à la Convention :

« Nous achevons aujourd’hui notre tournée dans le département de l’Isère, dans lequel, comme dans celui de l’Ain, nous nous sommes occupés sans relâche du soin de revivifier l’esprit public aigri par la présence d’une foule de gens ouvertement déclarés ennemis de la Révolution.

« À Grenoble, comme dans toutes les villes où les privilèges nourrissaient et propageaient les abus, l’insolente aristocratie promenait son front audacieux sous la protection tacite, mais bien prononcée, des autorités constituées. À les entendre, il n’y avait à Grenoble et dans le département de l’Isère que des patriotes, ou ce que le directoire appelle des gens très tranquilles.

« Vous croiriez peut-être, chers collègues, que dans un pays qui paraît être le sol de la philosophie, du talent et de la raison, le dévouement à la chose publique, l’intérêt que sa position inspire, le zèle de la fraternité ont devancé nos démarches ! Vous seriez dans l’erreur. Nous n’avons trouvé que de la morgue parlementaire, et des esprits irrités de la mort du tyran.

« Le citoyen Royer (c’est Royer-Deloche, député suppléant à la Convention où il ne siégea pas), membre du directoire du département, est connu par les propos révoltants qu’il a tenus publiquement contre la Convention. Sa conduite à notre égard, devant les autorités constituées, a été plus qu’indécente. Rappelé sérieusement à l’ordre et au respect qu’il devait à la Convention et à ses commissaires, nous reçûmes les excuses que l’administration nous fit pour lui et qu’il nous répéta ; mais nous n’avons pas cru devoir nous dispenser de vous en instruire pour que vous preniez à cet égard les mesures que vous jugerez convenables. Voilà l’homme qui passe pour avoir une grande influence dans le directoire du département de l’Isère… Quoi qu’il en soit,