Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/439

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la demande de toutes les sections de Marseille, le maire, le procureur de la Commune et les frères Savon. Nous avons intimidé les méchants, encouragé les bons, blâmé les sections qui sortaient des bornes que leur prescrivaient les lois, et cassé un tribunal qui ne pouvait être créé que par un ordre de la Convention. Des dépêches arrêtées par ordre des commissaires de ces mêmes sections, ont été ouvertes hier et ne nous ont pas été renvoyées. Nous avons fait mettre en liberté des patriotes arrêtés en vertu d’ordres arbitraires. Nous avons tout entrepris pour conserver aux autorités constituées leur énergie et leur activité, que les sections n’ont cessé d’entraver. »

C’était avouer tout ensemble que Marseille, par ses sections, s’érigeait en Commune contre-révolutionnaire et qu’on avait abattu, pour complaire à ces sections rétrogrades et factieuses, les autorités constituées de la Révolution, le maire et le procureur de la Commune. La lettre de Boisset et de Moyse Bayle est terrible pour eux-mêmes.

De Toulon, le 17 mai, les représentants à l’armée d’Italie, Beauvais et Pierre Bayle signalent au Comité de salut public la gravité des fautes commises et du mouvement contre-révolutionnaire, dont Marseille devient le foyer ;

« Vous n’ignorez pas que depuis les premiers jours de ce mois, il circulait un bruit sourd à Paris, qu’il y avait à Marseille de la fermentation, que l’aristocratie semblait y prendre le dessus, que le patriotisme y était écrasé. Eh bien ! ces bruits ne sont que trop fondés.

« Nous ne nous permettrons pas d’analyser ici la conduite de nos collègues Moyse Bayle et Boisset, qui nous ont précédés dans ce département. Nous ne cherchons ni à les blâmer, ni à les approuver. Peut-être sont-ils déjà jugés à vos yeux. Peut-être déjà les avez-vous entendus et apprécié les pièces dont ils sont porteurs. Quoi qu’il en soit, voici les faits tels qu’ils nous ont été racontés :

« Accueillis d’abord par l’opinion publique à Marseille, nos collègues s’y livraient avec empressement et avec succès à l’exécution de la mission qui leur avait été confiée. Le patriotisme se soutenait dans toute son énergie dans cette ville, que depuis longtemps on est accoutumé à regarder comme son foyer, et les malintentionnés étaient réduits au silence. L’arrivée de la famille des Bourbons dans ces murs changea la face des affaires. On assure que les commissaires s’expliquèrent sur cet événement d’une manière contradictoire vis-à-vis des sections qu’ils avaient cru devoir en prévenir, et que cette contradiction, sans doute involontaire, ou du moins dictée par de bonnes intentions, jeta de la défiance sur leurs opérations et altéra cette confiance qu’ils avaient obtenue et qu’il eût été si important de conserver. À dater de cette époque, les commissaires furent suspects, on les accabla de demandes de divers genres. Leur condescendance à se prêter aux vues des sections relativement à l’arrestation de quelques individus, acheva d’enhardir les me-