Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/451

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plate, intitulée la Ligue des fanatiques et des tyrans, et qui maintenant, adjoint à la guerre de Bouchotte, était chargé, par une commission extraordinaire du 9 mai, « à Tours et partout où sa présence serait nécessaire, de s’occuper sans relâche de fournir à l’armée des côtes de la Rochelle l’équipement, les subsistances, les charrois, tout le matériel de guerre dont le besoin était urgent. »

Il était désigné pour ce rôle par la campagne vigoureuse qu’il avait menée au ministère de la guerre contre les grands fournisseurs et spéculateurs. Malus et d’Espagnac. Ronsin avait pour principal auxiliaire son confrère en art dramatique, le général Parein, un des « Enragés », un des trente commissaires envoyés après le 10 août dans les seize départements autour de Paris. Les agents les plus importants de Ronsin et de Parein étaient deux acteurs : Guillaume-Antoine Nourry, dit Roselli, puis Grammont, sociétaire de la Comédie-Française où il avait débuté en 1779, dans le rôle de Tancrède, et Louis-Armand Robert. Celui-ci était originaire de Tours et il y revenait avec un éclat triomphal. C’était un peu comme une invasion de théâtre.

Certes, il y avait en tous ces hommes bien des forces saines. Ils avaient, ou au 14 juillet, ou au 10 août, risqué leur vie pour la liberté. Ils avaient travaillé dans les bureaux, en ce pêle-mêle un peu étrange, mais vivant et ardent, du ministère de Pache. Et plus tard, les hommes de guerre les plus sérieux, les plus estimés, comme les Mayençais, Vimeux et Beaupuy, certifieront que Parein était « un brave et loyal républicain, dans les principes révolutionnaires, et qu’il connaissait parfaitement son état, l’ayant rempli avec justice et équité. » Mais ils avaient tous ou presque tous des habitudes tapageuses et une sorte de faste théâtral. Ils avaient une liberté d’allures et une facilité de mœurs qui contrastaient un peu fortement, pour la province, avec l’austérité de leurs maximes, et tout d’abord ils scandalisèrent Mercier du Rocher, qui naguère, dans ses entrevues avec le Comité de défense générale, ne se louait guère que de Marat, et qui se laisse aller maintenant à tenir, contre tous ces délégués, commissaires et aides de camp tumultueux et hasardeux, un langage presque aussi âpre que celui de l’adresse des Nantais :

« À Saumur, dit-il, les rues étaient presque couvertes d’aides de camp qui traînaient de grands sabres et portaient de longues moustaches, des commissaires du pouvoir exécutif qui prêchaient l’anarchie et la loi agraire, le meurtre et l’assassinat : Saint-Félix, Momoro, Ronsin, Hazard, qui avaient été chassés de la Soociété des Jacobins en 1790, étaient de ce nombre. Il semblait que tous les roués de Paris se fussent donné rendez-vous dans ces malheureuses provinces pour y attiser la guerre civile et en dépouiller les habitants.

« Ce spectacle m’effraya ; mais je n’avais encore vu qu’un coin de ce hideux tableau. Tuncq, que j’avais connu pour la première fois à Tours et auprès du général Menou, à Angers, dans les premiers jours d’avril, Tuncq qui,