Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/461

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comme un cerf-volant, engageant des membres connus de l’opposition à louer le sage, le vertueux Brissot dans le Parlement, afin que cela retentît jusqu’à nos oreilles, et renvoyant ainsi à son féal, par le paquebot, des renforts de réputation patriotique pour soutenir son crédit, dont Pitt avait besoin. »

Vraiment, quand les partis en sont à se dénoncer et à se soupçonner ainsi, ils n’ont plus qu’à se décimer au plus vite et se tuer les uns les autres. Et Camille Desmoulins avait raison lorsqu’il disait de son pamphlet, au témoignage de Dutard :

« Celui qui l’aura entendu, demandera à l’instant : Où est l’échafaud ? »

Ainsi les amis même de Robespierre poussaient enfin aux solutions violentes et les préparaient. C’est bien en vue d’une révolution prochaine, où la Commune et le peuple pauvre de Paris feraient triompher la Montagne que Desmoulins tente de rassurer les riches, les marchands et artisans, les délicats. Non, ce ne sera pas une révolution de barbarie et de pauvreté. Non, la splendeur et la puissance de Paris n’en seront pas diminuées. Non, la majesté et la force de la Convention ne seront point entamées par l’élimination des conspirateurs et des traîtres.

« Les talents si nécessaires aux fondateurs de la République française ne manqueront pas à l’assemblée des représentants de la nation. Il est impossible que les têtes fermentent pendant quatre années de révolution et de discordes civiles, dans un pays tel que la France, sans qu’il ne s’y forme un peuple de citoyens, de politiques et de héros. Il est dans la Convention une foule de citoyens dont on n’a remarqué encore que le caractère, mais dont on reconnaîtrait bientôt le mérite si l’organisation de nos assemblées nationales n’était plus favorable au développement du babil que du talent, et si la méditation, avec la faiblesse de l’entendement humain, pouvait se faire à cette continuité de séances, sans aucune solution, et à cette législature en poste et sans relais. Ces talents ont déjà percé dans les grandes questions qu’on n’a pas fait décréter sans désemparer, telles que celle de l’appel au peuple du jugement de Louis XVI.

« …Le vice était dans le sang. L’éruption du venin, au dehors, par l’émigration de Dumouriez et de ses lieutenants, a déjà sauvé plus qu’à moitié le corps politique ; et les amputations du tribunal révolutionnaire, non pas celle de la tête d’une servante qu’il fallait envoyer à l’hôpital, mais celle des généraux et des ministres traîtres, le vomissement des brissotins hors du sein de la Convention, achèveront de lui donner une saine Constitution. Déjà trois cent soixante-cinq membres ont effigié tous les rois dans la personne de Louis XVI, et près de deux cent cinquante membres s’honorent d’être de la Montagne. Qu’on me cite une nation au monde qui ait jamais eu autant de représentants dévoués. Depuis près de six cents ans que les Anglais ont leur Parlement, il ne leur est arrivé qu’une seule fois d’avoir, dans ce long parlement, une masse de véritables patriotes et une Montagne, et cette masse qui