Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/462

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fit de si grandes choses ne s’éleva pas à plus de deux cents membres. »

C’était avertir le pays qu’une nouvelle couche d’hommes de mérite et de vertu était prête à remplacer la superficielle Gironde. C’était lui signifier que, même réduite aux trois cent soixante-cinq régicides, la Convention serait encore une des assemblées les plus puissantes de l’univers, les plus riches en talent et en courage.

Emporté par sa verve, Desmoulins allait bien au delà de la prudente politique de Robespierre ; il allait même au delà de la pétition des sections qui n’éliminaient que les vingt-deux ; il semblait tout préparé à une scission complète qui ne laisserait subsister à l’Assemblée que le parti de la Montagne. Mais à ce parti il proposait un large programme d’éducation nationale et de grands travaux publics, de science, de gloire et de joie, capable de réconcilier à la Montagne toutes les forces de civilisation :

« Hâtons-nous d’ouvrir des écoles primaires : c’est un des crimes de la Convention qu’elles ne soient pas encore établies. S’il y avait eu, dans les campagnes, sur le fauteuil du curé, un instituteur national qui commentât les Droits de l’Homme et l’almanach du Père Gérard, déjà serait tombée de la tête des bas Bretons la croûte de la superstition, cette gale de l’esprit humain, et nous n’aurions pas au milieu des lumières du siècle et de la nation, ce phénomène de ténèbres dans la Vendée, le Quimper-Corentin et le pays de Lanjuinais, où des paysans disent à nos commissaires : « Faites-moi donc vite guillotiner afin que je ressuscite dans trois jours. » De tels hommes déshonorent la guillotine : comme autrefois la potence était déshonorée par ces chiens qu’on avait pris en contrebande, et qui étaient pendus avec leurs maîtres. Je ne conçois pas comment on peut condamner à mort sérieusement ces animaux à face humaine ; on ne peut que leur courir sus, non pas comme dans une guerre, mais comme dans une chasse ; et quant à ceux qui sont faits prisonniers, dans la disette de vivres dont nous souffrons, ce qu’il y aurait de mieux à faire serait de les échanger contre leurs bœufs du Poitou.

« À la place de collèges de grec et de latin, qu’il y ait dans tous les cantons des collèges gratuits d’arts et métiers.

« Amenons la mer à Paris, afin de montrer avant peu aux peuples et rois que le gouvernement républicain, loin de ruiner les cités, est favorable au commerce, qui ne fleurit jamais que dans les républiques et en proportion de la liberté d’une nation et de l’asservissement de ses voisins : témoins, Tyr, Carthage, Athènes, Rhodes, Syracuse, Londres et Amsterdam.

« Nous avons invité tous les philosophes de l’Europe à concourir à notre législation par leurs lumières, il en est un dont nous devrions emprunter la sagesse : c’est Solon, le législateur d’Athènes dont une foule d’institutions surtout semblent propres à s’acclimater parmi nous, et qui semble avoir pris la mesure de ses lois sur des Français. Montesquieu se récriait d’admiration sur les lois fiscales d’Athènes. Là, celui qui n’avait que le nécessaire ne payait à