Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/503

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Pache se rend à la barre et je me détermine à entrer dans la Convention pour mieux juger de son état dans son intérieur.

« En traversant la cour, nous passions le long de la tête de la force armée, j’entendis plusieurs de ceux qui étaient sous les armes dire en riant : Ah ! ah ! voilà ces vilaines écharpes ! (c’étaient des quolibets des modérés de la Butte-des-Moulins à Pache et aux officiers municipaux.) Un peu plus loin, j’entends ces propres paroles : « Comment Garat peut-il aller avec ces coquins ? » À l’extrémité de la force armée, il y avait quelques hommes qui n’étaient pas sous les armes et un plus grand nombre de femmes. Là, les officiers municipaux ne reçoivent plus d’injures, mais ils reçoivent des bénédictions, là on disait : « Voilà nos bons pères qui passent. »

« À peine j’entre dans la Convention, qui avait l’air d’un champ de bataille où deux armées sont en présence, qu’on demande pour moi la parole que je ne demandais point.

« Qu’est-ce qu’on voulait savoir de moi, et que devais-je dire ? Je n’en savais rien. »

Non, Garat n’en savait rien. S’il avait eu un peu de hauteur d’esprit politique et un peu de courage, il n’aurait eu qu’un souci : empêcher que la Convention subisse l’atteinte de la violence, dénouer la crise sans l’intervention brutale de la force insurrectionnelle. Mais pour cela il fallait prendre un parti. Ou bien il fallait donner à la Gironde le conseil de marcher à fond, de ne pas s’en tenir à l’arrestation d’Hébert et de Varlet, d’envoyer les chefs de la Montagne devant le tribunal révolutionnaire, de briser la Commune et les sections et d’organiser une dictature modérée refoulant le peuple et traitant avec l’Europe.

C’était une politique impraticable dans Paris grondant ; c’était une politique de contre-révolution qui allait déchaîner toutes les espérances du fanatisme catholique, mais du moins c’était une politique nette et logique, et qui ne livrait pas la Convention au hasard des convulsions anarchiques et du mouvement de la rue.

Ou bien il fallait, par un langage vigoureux et menaçant, signifier à la Gironde que son rôle politique était, sinon fini, au moins suspendu, qu’elle avait commis trop de fautes irréparables, qu’elle avait mis en défiance contre elle les forces vives de la Révolution, qu’elle avait perdu tout contact d’esprit et de cœur avec le peuple sans lequel rien ne pouvait être fait, que ses provocations maladroites et débiles ne feraient qu’exaspérer les haines sans les désarmer, et qu’elle devait, pour épargner à la Révolution un grand attentat sur la personne des représentants, renoncer à la direction des événements, relâcher Hébert, dissoudre la Commission des Douze, abandonner le gouvernement des comités à la Montagne et le gouvernement de Paris à la Commune. Dans ces conditions, l’unité de pouvoir et d’action serait rétablie sans effusion de