Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/636

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dernier sacrifice servira, malgré lui peut-être, le triste châtelain, actuellement oppressé de sa colossale demeure, depuis que l’affranchissement des campagnes a tari la source de son opulence. »

L’éducation commune donnée aux enfants sera surtout une éducation de travail manuel destinée à les assouplir en vue de toutes les rudes fonctions de la vie sociale ; ce sera aussi une éducation de discipline. Quelle sera la part de la religion dans cette première éducation, dans cette éducation commune ? Dans les vues de Lepelletier, sauf quelques concessions provisoires aux préjugés dominants, cette part doit être nulle. Non seulement aucune religion ne doit être imposée et enseignée à l’enfant par la nation, mais la nation ne doit même pas permettre, tant qu’elle a la charge de l’enfant, que celui-ci puisse être effleuré par des systèmes entre lesquels sa raison ne peut encore choisir.

« Je désirerais que pendant le cours entier de l’institution publique, l’enfant ne reçût que les instructions de la morale universelle, et non les enseignements d’aucune croyance particulière.

« Je désirerais que ce ne fût qu’à douze ans, lorsqu’il sera rentré dans la société, qu’il adoptât un culte avec réflexion. Il me semble qu’il ne devrait choisir que lorsqu’il pourrait juger.

« Cependant d’après la disposition actuelle des esprits, surtout dans les campagnes, peut-être pourriez-vous craindre de porter le mécontentement et le scandale même au milieu des familles simples et innocentes, si les parents voyaient leurs enfants séparés jusqu’à douze ans des pratiques extérieures de tout culte religieux. Je soumets cette difficulté de circonstance à la sagesse de vos réflexions ; mais j’insiste, dans tous les cas, pour que cette partie d’enseignement n’entre point dans le cours de l’éducation nationale, ne soit point confiée aux instituteurs nationaux, et qu’il soit seulement permis (si vous jugez cette condescendance nécessaire) de conduire à certains jours et à certaines heures les enfants au temple le plus voisin, pour y apprendre et y pratiquer la religion à laquelle ils auront été voués par leurs familles. »

Mais cette éducation commune n’aura pas seulement pour effet de former des générations fortes, actives, unies par une même habitude première de la vie et par l’identité des principes enseignés. Elle servira encore, par le large prélèvement annuel sur la fortune destiné à alimenter les grands internats gratuits, à atténuer les inégalités, à rapprocher les conditions.

« Jusqu’ici je n’ai considéré le sujet que je traite que sous le rapport de l’éducation ; maintenant je vais vous le présenter sous un autre aspect très important, celui de l’économie politique.

« Diminuer les nécessités de l’indigence, diminuer le superflu de la richesse, c’est un but auquel doivent tendre toutes nos institutions ; mais il faut que la justice comme la prudence règle notre marche. On ne peut s’avancer que pas à pas ; tout moyen convulsif est inadmissible, la propriété