Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/682

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traits par la science au morcellement et à l’anarchie, soustraits par la justice au privilège. Clootz se borne à prévoir que la condition de tous les hommes sera améliorée et que l’inégalité sociale sera atténuée par l’organisation de l’unité humaine. Dans une société unique définitivement débarrassée de la guerre, de la caste militaire, de la caste sacerdotale, du régime des emprunts qui engraisse les financiers, de la concurrence économique de nation à nation qui provoque les désastres, et du fâcheux appareil gouvernemental, monarchique, théocratique, diplomatique, les charges sociales seront réduites au minimum, et un travail constant, régulier, partout répandu en ondes égales et douces submergera peu à peu toute misère.

« Il ne sera plus question de l’approvisionnement des armées, de la friponnerie des fournisseurs, de l’impéritie et de la trahison des généraux, du gaspillage et du renchérissement des comestibles. Il n’y aura plus ni dette, ni remboursement. Les intermittences de l’importation et de l’exportation n’exciteront plus d’émeutes dans les villes paralysées par la guerre et par les lois prohibitives. La stagnation subite du travail n’affligerait le peuple nulle part, sans les intrigues et les injustices des puissances étrangères. Le commerce d’un pays ne tendra plus à la ruine d’un autre pays, la balance du commerce ne sera plus mesurée sur la balance politique. Toutes les barrières tomberont, toutes les rivalités locales agiront au profit de la sans-culotterie universelle, de la nation unique, indivisible. Il ne dépendra pas d’un individu ou d’une corporation outre-mer, outre-Rhin, de chagriner nos artisans, nos meilleurs amis, nos parents les plus proches, dont le nombre, le travail et les vertus sont également intéressants pour la nation entière.

« Le mal physique n’étant plus aggravé par le mal moral, on supportera patiemment l’inclémence des saisons et tous les maux naturels. Chaque administration municipale n’ayant plus d’inquiétude sur le sort des ouvriers valides ou infirmes, sur la rentrée de contributions infiniment légères, sur le passage des troupes armées, sur l’invasion des troupes ennemies, sur la faillite du négoce et l’interruption de tous les approvisionnements, le monde entier formant une seule famille, les privations de la disette et les excès de la non-valeur, le flux et le reflux d’une population tantôt entassée, tantôt clairsemée, ne troubleront jamais aucun district ou canton. Nous avons beaucoup de pauvres parce que nous avons beaucoup de barrières et de soldats. Une livre de pain ou de viande consommée dans un camp suppose la perte de dix livres de pain ou de viande. La paix perpétuelle maintiendra un niveau perpétuel entre la consommation et le consommateur, entre l’ouvrage et les ouvriers… il n’y aura pas de fonctionnaire moins affairé que le ministre de l’intérieur. Les biens nationaux seront vendus et chacun administrera son propre bien. Nous pourrons supprimer la plupart des comités et renvoyer tous les ministres. Notre organisation perfectionnée par l’action