Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/722

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perpétuel de l’homme envers l’homme, abolit par là même le droit féodal. Le principe de la souveraineté du peuple ruine la propriété que les monarchies revendiquent sur le peuple même.

Là où le problème est délicat, ou plutôt là où maintenant le problème commence, c’est avec la propriété individuelle moderne, telle que la Révolution l’a consacrée en la débarrassant de tout prélèvement féodal, de toute entrave corporative, de toute emprise monarchique. Ce sont les limites de cette propriété nouvelle, de ce droit nouveau qu’il faudrait marquer ; et ici Robespierre est d’une réserve extrême. C’est à peine si, à la fin d’observations qu’il a sans doute volontairement abrégées, il prononce les mots « d’accapareur et d’agioteur » : il s’abstient de tout exemple. La vraie question était : « Les salariés devront-ils continuer indéfiniment à payer la rente du sol aux propriétaires fonciers ? Les ouvriers industriels seront-ils astreints indéfiniment à travailler sous la discipline et au profit de maîtres industriels ? » Il y aurait en des exemples précis à alléguer.

Voici les mines de charbon ; la propriété en appartenait, avant 1791, aux propriétaires du sol, aux propriétaires de la surface. Oh ! comme les capitalistes, alors gênés dans le développement de leur entreprise par ce droit foncier, s’élevaient contre le privilège, contre l’abus de la propriété ! Comme il fait beau voir (pour ne citer qu’un nom) le maître des mines de Carmaux, le chevalier de Solages, dénoncer dans un mémoire imprimé à la Constituante la prétention insolente des propriétaires fonciers et l’obstacle apporté par « le droit de propriété » au progrès industriel ! Comme, pour en assurer la concession à de vastes compagnies capitalistes, il insiste sur le caractère national de la propriété des mines !

« Si les principes de la propriété étaient aussi rigoureux que M. Turgot le dit, il n’aurait pu percer le Limousin des beaux chemins qu’il y a fait pratiquer ; nuls canaux pour le commerce intérieur, nuls travaux publics ne seraient possibles. Paradoxe ridicule, toutes les fois que l’intérêt public l’exige. » — Et encore : « On croit que tous les systèmes spéciaux qui paraissent favoriser les propriétaires des terres doivent céder à ces principes et qu’il est du bon sens de la raison et de la justice, de déclarer les mines faire partie de la propriété nationale. On doit les regarder comme des magasins nationaux qu’il importe à la société de ménager. » (Mémoire sur les mines en général et particulièrement sur celles de houille ou charbon de terre, présenté à l’Assemblée nationale par le concessionnaire des mines de charbon de terre de Carmaux, près d’Albi — à Albi de l’imprimerie d’A.-P. Baurens, imprimeur du roi, 1790.)

La Constituante, sous l’inspiration de Mirabeau, avait opéré une révolution dans la propriété des mines. Elle en avait dessaisi les propriétaires du sol, elle l’avait transférée à la nation, qui la concédait aux sociétés capitalistes. Oui, mais à mesure que se développait la Révolution, à mesure que