Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/747

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Pour l’organisation du pouvoir législatif et exécutif, il n’y avait aucune faction, si modérée fût-elle, qui osât proposer ou le partage du corps législatif en deux Chambres, ou la concentration du pouvoir exécutif en un seul homme, président ou stathouder. Le mode adopté par la Constitution de 1793 conciliait, pour l’exécutif, le principe de l’élection populaire, la nécessité du contrôle législatif et le besoin d’un pouvoir vigoureux et agissant.

La Constitution de 1793 répondait bien aux conditions vitales de la Révolution, à la réalité politique et sociale de la France nouvelle. Tout ce qui s’éloigne d’elle, dans les constitutions plus modernes, est, ou une concession à l’esprit de défiance conservatrice et de privilège, ou un reste des habitudes monarchiques. Elle est le type de la démocratie française ; en s’y ralliant, Robespierre réservait tout l’avenir, toutes les possibilités du développement social. Et il sauvait le présent.

S’il n’a pas insisté, s’il n’a pas lutté pour les formules plus hardies (au moins d’apparence) qu’il avait proposées en avril, ce n’est pas qu’il se soit renié lui-même. Ce n’est pas que, rapproché du pouvoir par la chute de la Gironde, il ait cherché, dans un intérêt d’ambition, à ramener à lui les classes possédantes et l’oligarchie des richesses. Il sent bien, après le 31 mai comme avant, que le peuple des artisans, des manouvriers, reste, dans la tourmente, la ressource la plus sûre, la sauvegarde nécessaire de la Révolution menacée au dehors et au dedans.

Qu’on lise une note écrite de sa main et qui a été trouvée dans ses papiers, celle qui se rapporte évidemment à la période qui suit le 31 mai et le 2 juin. Platement, M. Dauban n’y voit que je ne sais quelle ébauche de discours, des notes de rhéteur obsédé par la vanité de la parole. C’est, au contraire, la confidence nette et profonde de la pensée à la pensée ; c’est l’angoisse de l’esprit s’interrogeant lui-même et interrogeant l’abîme ; c’est aussi, après la méditation cruelle, la conclusion pratique et juste de l’homme d’État :

« Il faut une volonté une.

« Il faut qu’elle soit républicaine ou royaliste.

« Pour qu’elle soit républicaine, il faut des ministres républicains, des papiers républicains, des députés républicains, un gouvernement républicain.

« La guerre étrangère est une maladie mortelle, tandis que le corps politique est malade de la Révolution et de la division des volontés.

« Les dangers intérieurs viennent des bourgeois ; pour vaincre les bourgeois, il faut rallier le peuple. Tout était disposé pour mettre le peuple sous le joug des bourgeois et faire périr les défenseurs de la République sur l’échafaud. Ils ont triomphé à Marseille, à Bordeaux, à Lyon ; ils auraient triomphé à Paris sans l’insurrection actuelle. Il faut que l’insurrection actuelle continue jusqu’à ce que les mesures nécessaires pour sauver la République aient été prises. Il faut que le peuple s’allie à la Convention et que