Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/782

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gique. Mais ce renouvellement sera comme un progrès de la Révolution ; grâce à Robespierre il n’apparaîtra pas comme une crise, comme une rupture de la continuité révolutionnaire.

Le 10 juin, quand Terrasson, dans une pensée de défiance et de fausse démocratie, demande que les séances du Comité de Salut public ne soient plus secrètes, Robespierre combat la motion et la fait rejeter. Le 8 juillet encore, avec une grande insistance, il défend contre la déclamation de Chabot le Comité de Salut public. Il déplore qu’on essaie de jeter la défaveur du peuple sur des hommes chargés d’une besogne immense et qui, sauf la part des erreurs inévitables, font leur devoir. Le 10 juillet, il prend parti pour le ministre de la marine Dalharade et pour Danton :

« Voudrait-on essayer aussi de nous rendre Danton suspect ? Il est donc bien vrai que la calomnie ne cesse de poursuivre un homme en place, par cela seul qu’il est employé, et que vainement on sacrifie toute sa vie à la liberté, puisqu’un malveillant peut, en un quart d’heure, ruiner la confiance que vous méritez à tant de titres et vous enlever le fruit de vos travaux…

« Connaît-on le digne remplaçant de Dalharade ? Qu’on me nomme donc celui qu’on veut lui substituer et qu’on médise en même temps : celui-là sera exempt de toutes fautes, inaccessible à l’erreur, évitera tous les pièges, n’aura que des idées lumineuses, des plans heureux, dont le succès est assuré. »

Mais où éclate le mieux l’esprit de transaction et de concession par lequel Robespierre, au lendemain du 2 juin, préserva la Révolution de nouveaux déchirements qui auraient été mortels, c’est dans le rapport fait à la Convention le 8 juillet, par Saint-Just, au nom du Comité de Salut public. Il s’agissait de régler le sort des Girondins ou arrêtés ou fugitifs. Saint-Just, le disciple, l’ami, l’admirateur de Robespierre, et qui le représentait au Comité de Salut public, l’a certainement consulté.

Or, quand on lit ce rapport, il semble vraiment qu’il vient, non de Saint-Just, mais de Barère. C’est un effort évident pour rallier les hommes du Marais, pour les flatter, pour les rassurer ; on dirait qu’ils sont le centre même de la Révolution, son point de repère et d’équilibre.

« La majorité de la Convention nationale, sage et mesurée, fluctua sans cesse entre deux minorités ; l’une ardente pour la République et votre gloire, négligeant quelquefois le gouvernement pour défendre les droits du peuple ; l’autre mystérieuse et politique, empressée en apparence pour la liberté et l’ordre dans les occasions de peu de valeur, opposant, avec beaucoup d’adresse, la liberté à la liberté, absorbant avec art l’essor des délibérations, confondant l’inertie avec l’ordre et la paix, l’esprit républicain avec l’anarchie, imprimant avec succès un caractère de difformité à tout ce qui gênait ses desseins, marchant avec le peuple et la liberté pour les diriger vers ses fins et ramenant les esprits à la monarchie par le dégoût et la terreur des temps présents. »