Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/783

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La définition de la politique girondine est admirable. Mais quel art surtout d’avouer que de l’autre côté aussi il y a eu peut-être des excès ! et quelle habileté à faire pressentir que maintenant, les droits du peuple n’étant plus menacés, il ne serait plus permis « de négliger le gouvernement » ! Ce que Saint-Just reproche à la Gironde, ce n’est pas d’avoir constaté et combattu l’anarchie, c’est de l’avoir combattue par de mauvais moyens qui ne faisaient que l’irriter.

« La sagesse seule et la patience peuvent constituer une République, et ceux-là n’en ont point voulu parmi nous, qui ont prétendu calmer l’anarchie par autre chose que par la justice et la douceur du gouvernement. »

Enfin, il y a bien quelque habileté de réquisitoire et quelque artifice de polémique à faire peser surtout sur les Girondins la responsabilité des journées de septembre ; mais, n’était-ce pas prendre, devant la France et devant le monde, l’engagement que ces crimes ne se renouvelleraient plus ?

« Aucun de ceux qui avaient combattu le 10 août ne fut épargné, la Révolution fut flétrie dans la personne de ses défenseurs, et, de tous les tableaux consolants qu’offraient ces jours prodigieux, la malignité n’offrit au peuple français que ceux de septembre : tableaux déplorables, sans doute ; mais on ne donna point de larmes au sang qu’avait versé la cour ! Et vous aussi, vous avez été terribles aux assassins du 2 septembre ! et qui donc avaient plus de droit de s’en porter les accusateurs inflexibles, ou de ceux, qui dans ce temps-là jouissaient de l’autorité et répondaient seuls de l’ordre public et de la vie des citoyens, ou de nous tous, qui arrivions désintéressés de nos déserts ? Pétion et Manuel étaient alors les magistrats de Paris. Ils répondaient à quelqu’un qui leur conseillait d’aller aux prisons qu’ils ne voulaient point risquer leur popularité. Celui qui voit égorger sans pitié est plus cruel que celui qui tue. »

Magnifique réponse, mais aussi magnifique promesse, et qui mettait l’humanité du côté de la Montagne.

Ainsi la Convention et le Comité de Salut public gardaient pour le pays troublé leur autorité et faisaient grande figure. Que fût-il advenu si, au lendemain même du jour où elle avait voté la nécessaire mais triste mutilation du 2 juin, la Convention et le Comité créé par elles avaient sombré sous les défiances et les dénonciations ? C’était une crise irréparable de contre-révolution qui s’ouvrait, au contraire, l’esprit nettement gouvernemental que Robespierre communique à la Montagne victorieuse donne à la Convention une force morale souveraine. Elle peut travailler ; elle fait la Constitution ; et elle promulgue, en outre, du 3 juin au 17 juillet, trois grandes lois destinées à rallier à la Convention et à la Montagne le peuple des campagnes.

Le 3 juin, c’est la loi qui organise le mode de vente des biens des émigrés. C’était d’abord un appel à la démocratie rurale : Voilà des vignes, des