Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/815

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cularisme stérilisant, la question des subsistances disparaîtrait. Il ne resterait plus, ayant nourri et apaisé les citoyens de la France révolutionnaire, qu’à vaincre l’ennemi du dehors ; et ici, comme pour faire pressentir Fourier, non seulement par les vues géniales, mais par les bizarreries d’invention et par la singularité des termes, Lange propose de créer des ballons de combat qui s’appelleront des Éoles, et qui, gouvernés par des pyronautes, épieront les mouvements des armées et déconcerteront tous leurs plans. Bizarre, ai-je dit, mais n’est-ce pas encore une anticipation géniale de la pratique des armées modernes ? Mais, pas plus les combinaisons « fouriéristes » de Lange que la loi agraire soigneusement démarquée de Dolivier, ne résolvaient au gré des souffrances impatientes le problème de la vie, de la croissante cherté.

La loi répressive du 20 juillet 1793, contre l’accaparement, parut serrer la question de plus près. Le peuple croyait que bien des détenteurs de denrées les gardaient pour spéculer, pour attendre et provoquer de plus hauts cours de la marchandise, un avilissement plus marqué des assignats. Obliger tous les citoyens à déclarer les marchandises et denrées détenues par eux, et les obliger à les vendre sans délai, sans ajournement, au fur et à mesure que se produiront les demandes de détail, semblait donc un remède approprié. Ce fut l’objet de la loi.

« La Convention nationale, considérant tous les maux que les accapareurs font à la société par des spéculations meurtrières sur les plus pressants besoins de la vie et sur la misère publique décrète :

« L’accaparement est un crime capital.

« Sont déclarés coupables d’accaparement ceux qui dérobent à la circulation des marchandises ou denrées de première nécessité, qu’ils altèrent et tiennent enfermées dans un lieu quelconque, sans les mettre en vente journellement et publiquement.

« Sont également déclarés accapareurs ceux qui font périr ou laissent périr volontairement les denrées et marchandises de première nécessité.

« Les marchandises de première nécessité sont le pain, la viande, le vin, les grains, farines, légumes, fruits, le beurre, le vinaigre, le cidre, l’eau-de-vie, le charbon, le suif, le bois, l’huile, la soude, le savon, le sel, les viandes et poissons secs, fumés, salés ou marinés, le miel, le sucre, le papier, le chanvre, les laines ouvrées et non ouvrées, les cuirs, le fer et l’acier, le cuivre, les draps, la toile, et généralement toutes les étoffes, ainsi que les matières premières qui servent à leur fabrication, les soieries exceptées. »

Ainsi, presque tous les produits de la terre et de l’industrie, presque toutes les denrées, les matières premières, les marchandises, tombent sous le coup de la loi : les greniers, les caves, les magasins, les entrepôts, les ateliers, tout va s’ouvrir à l’inventaire de la Révolution. Et ce système de vente forcée va mobiliser tous les stocks, les mettre à la disposition de l’acheteur