Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/834

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la Convention, pour maximer l’ensemble des marchandises, de prendre pour base les prix de 1790.

À ce moment, les perturbations économiques résultant des assignats, de la guerre, des désastres coloniaux, des agitations révolutionnaires, ne s’étaient pas encore produites : depuis cette époque, non seulement il y avait eu une hausse générale des marchandises, mais il y avait ou une hausse particulière plus marquée de quelques-unes d’entre elles. Ainsi, prendre comme base des mercuriales ultérieures, c’était s’exposer à consacrer et à consolider des rapports de prix factices et accidentels entre les diverses catégories de produits.

L’année 1790 offrait au contraire une mesure normale, et les rapports de prix y étaient déterminés par les frais de production et par le bénéfice moyen. Mais comme il y avait eu depuis lors une hausse générale et comme il n’était pas possible d’espérer qu’on ramènerait d’emblée l’assignat au pair, la Convention décréta que le maximum serait formé du prix de 1790 et du tiers de ce prix en sus.

À vrai dire, il semble que la Convention aurait pu ne pas se préoccuper de cette dépréciation de l’assignat, et s’en tenir purement et simplement aux prix de 1790. Qu’importe, en effet, au marchand de laine de vendre sa laine cinquante pour cent de plus qu’en 1790, s’il est obligé en même temps de payer cinquante pour cent de plus tous les produits qu’il achète ? Du moment qu’en somme toutes les valeurs de 1790 uniformément majorées de cinquante pour cent garderont exactement leurs rapports de 1790, pourquoi ne pas exprimer ce rapport de valeur sous la forme même qu’il avait en 1790, et s’en tenir purement et simplement aux prix de cette époque ? Oui, mais d’abord tous les produits, toutes les marchandises n’étaient pas compris dans le nouveau tableau du maximum, si étendu fût-il. Le prix des grains, par exemple, étant maximé au prix courant des quatre premiers mois de 1793, était fort supérieur à celui de 1790. Dès lors le pouvoir d’achat des assignats aurait été moindre pour les blés que pour les autres marchandises ou denrées. De plus, l’assignat perdant par rapport à l’or et aux papiers étrangers, il était difficile de lui donner une valeur pleine pour tout le reste sans produire un déséquilibre inquiétant. Or, si les assignats avaient pu acquérir tous les produits selon les prix de 1790, c’est-à-dire selon des prix antérieurs à ceux que la baisse de l’assignat avait produits, c’est comme si l’assignat avait eu sa valeur pleine pour tous ces produits, tout en n’ayant qu’une valeur réduite à l’égard de l’or et des effets étrangers. Enfin, si le prix de tous les objets avait été ramené aux prix de 1790, la valeur des assignats en circulation aurait été singulièrement accrue. Les détenteurs d’assignats auraient pu, avec une même quantité et une même valeur nominale d’assignats, acheter beaucoup plus d’objets qu’avant la loi du maximum. Et ramener les prix des objets au niveau de 1790 aurait eu pour conséquence d’abord d’enrichir démesurément