Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« On sait que M. Ocharitz, chargé des affaires d’Espagne, voulut traiter la plus grande affaire de la Convention par la voie des négociations.

« La discussion étant tout entière dans l’Assemblée, les ministres, n’étant pas autorisés, ne purent écouter ses propositions, M. Ocharitz s’adressa aux Girondins, comme étant plus connus à la tribune et devant avoir une influence décisive dans les délibérations, d’autant plus que les Girondins eux-mêmes se donnaient au dehors une importance exclusive. M. Ocharitz en obtint l’amendement de Mailhe… S’il avait été admis, c’était gagner du temps, et en révolution le temps suffit. Peut-être, en cela, M. Ocharitz eut-il tort de prendre la partie pour le tout.

« Je suis porté à croire que cette négociation se fit avec honneur ; il n’était pas question à cette époque de traiter les affaires en argent. On discutait dans l’importance du temps et en dehors des intérêts privés.

« Il est à remarquer que les Girondins prenaient partout l’initiative, soit dans le peu de diplomatie qui existait, soit dans la haute administration, à la tribune, sans s’occuper des autres députés qui n’étaient point dans leur système, quels que fussent leurs talents ; ce qui n’était pas Girondin était, à leurs yeux, comme nul et sans existence. La Montagne les laissait faire, sachant très bien qu’elle détruirait quand elle le voudrait les arguments, les négociations et les traités par un seul mouvement de paupières… le quos ego de Jupiter !

Baudot ajoute en note :

« Quelques-uns ont prétendu que Mailhe eut trente mille francs en piastres pour son amendement, je suis assez porté à le croire. »

Robespierre en était convaincu : il écrit dans ses lettres à ses commettants que la proposition de Mailhe était « aussi bizarre qu’imprévue ». Il appelait Mailhe « le plus immoral des hommes ».

Cet affairement de la Gironde à se mêler de tout, à assumer sans mandat des négociations secrètes, était pour elle plein de périls. Elle s’exposait sans cesse étourdiment ou à la calomnie ou au soupçon. Déjà les révolutionnaires commençaient à être obsédés par l’idée que « l’or étranger » jouait un grand rôle dans la Révolution. Quand ce n’étaient pas les florins c’étaient les guinées, et quand ce n’étaient pas les guinées, c’étaient les piastres. Tous les partis se rejetaient l’accusation infâme. Tantôt l’étranger payait « les agitateurs », les « anarchistes », tantôt il payait « les modérés ». Précisément, à propos du procès du roi, et pour combattre l’appel au peuple, Camille Desmoulins avait prodigué les insinuations. Il cite une phrase de Pitt, du 21 décembre :

« La Chambre peut être convaincue que tous les moyens imaginables ont été employés pour détourner de dessus la tête de Louis XVI le sort affreux qui le menace ainsi que sa famille, et que tous les honnêtes gens doivent