Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/348

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tait, par exemple en 1840, à 5 0/0. Si l’on pense qu’en 1847 elle avait ainsi escompté 1854 millions, on peut calculer le bénéfice qu’avaient à se partager ses actionnaires. Malgré tout elle avait eu des passes difficiles. Elle avait du acheter en Russie une grande quantité d’or pour remonter son encaisse tombée en 1846 à 59 millions. La Banque de France avait 15 succursales en province. Il existait, de plus, 9 Banques départementales, qui partageaient avec elle le droit d’émission. Elles avaient voulu se fédérer ; mais leur puissante rivale s’y était opposée au nom de son contrat avec l’État, et ces banques subalternes, qui ne pouvaient être créées que par une loi, étaient gênées dans leurs opérations par une quantité d’entraves légales. Elles ne pouvaient escompter que le papier des négociants de la ville où elles étaient établies ; elles ne pouvaient faire de recouvrements sur d’autres places, etc..

Le parti républicain avait de longue date compris la nécessité de décentraliser, d’unifier et de démocratiser ce crédit, à la fois enfermé dans quelques grandes villes, très inégal suivant les régions et partout réservé au petit nombre. Il avait même annoncé le dessein de le « nationaliser », et les écrivains socialistes avaient poussé dans le même sens. Louis Blanc réclamait une Banque d’État ; car, disait-il après Law, c’est au souverain à donner le crédit, non à le recevoir. Il voulait que le profit, entrant jusqu’alors dans les coffres de quelques gros financiers, échût désormais à la nation entière et surtout que la faculté d’emprunter à un taux modéré vînt à la portée des classes les moins aisées. L’occasion qui s’offrait était belle pour mettre en œuvre ce programme. Le Gouvernement provisoire n’osa pas l’exécuter en son entier ; il en réalisa du moins une partie.

La Banque de France, le 24 Février, avait en caisse 200 millions en espèces. Mais, comme il arrive chaque fois qu’il se produit une panique, les porteurs de billets désireux de les changer en écus sonnants se ruèrent à ses guichets. L’encaisse tomba vite à 140 millions, plus bas encore. En revanche le portefeuille, c’est-à-dire l’amas des effets de commerce escomptés s’enflait démesurément, si bien que la Banque était surchargée de papier autant qu’elle était dénuée de numéraire.

Le Gouvernement provisoire, dès le 8 Mars, sous le nom de Dotation du petit commerce, créait des Comptoirs d’escompte qui ne demanderaient que deux signatures, qui par conséquent seraient accessibles aux moyens commerçants. Les fonds d’établissement de ces Comptoirs devaient être fournis un tiers par l’État, un tiers par la ville où on les installerait, un tiers par les souscriptions privées. L’État et les villes, renonçant à tout intérêt pour l’argent qu’ils avançaient, garantissaient en outre les pertes possibles jusqu’à concurrence de leur mise. Le Trésor prêta 11 millions ; les autres fonds furent réunis, quoique assez péniblement, en quelques jours ; et des Comptoirs surgirent à Paris et en province. Il en existait déjà 44 au mois de Mai et en plusieurs endroits le taux de l’argent prêté descendait de 15 à 6 0/0. Ce