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une majorité considérable (428 contre 199). La séparation des partis sur cette question fut autant politique qu’économique ; car tous les républicains avancés furent dans la minorité ; orléanistes, légitimistes, bonapartistes se rangèrent du côté du protectionnisme. Or, par une étrange vicissitude, neuf ans plus tard, en 1860, le libre échange devait être brusquement imposé à la France par Napoléon III, ayant pour ministres les Baroche et les Rouher qui, sous la République, avaient voté sur ce point contre les républicains, futurs proscrits du même Napoléon.



CHAPITRE IX


LES MOYENS DE TRANSPORT


Une industrie qui se développe, un commerce qui progresse ne peuvent se passer de bons moyens de transport. L’introduction des machines dans les usines est solidaire et contemporaine de l’application de la vapeur aux voies de communication.

La poste aux lettres devait s’en ressentir. Elle était alors tiraillée entre deux conceptions différentes. Pour les uns, elle était une institution fiscale recueillant une sorte d’impôt destiné à remplir les caisses publiques, et, en vertu de cette idée, on maintenait les taxes élevées ; pour d’autres, elle devenait de plus en plus un service public qui, sans être tout à fait gratuit, comme celui des routes, devait se borner à couvrir ses frais et, par conséquent, réduire les taxes au minimum. La première dominait encore, quand éclata la Révolution. Les correspondances, comme les voyageurs, payaient plus ou moins cher, selon qu’elles allaient plus ou moins loin. La France, comme c’est le cas aujourd’hui en certains pays pour les chemins de fer, était divisée en zones, dont le tarif était proportionnel aux distances parcourues ; il y en avait onze, et le port d’une lettre coûtait de 20 centimes à 1 fr. 20. En 1847, on avait proposé de réformer ce système suranné, d’établir pour la France entière une taxe uniforme de 20 centimes L’aristocratie d’argent qui gouvernait avait refusé cette petite concession aux pauvres, qui se résignaient à écrire peu ou inventaient d’ingénieuses combinaison, pour se dérober à des frais onéreux ; et le commerce avait continué d’être gêné autant par la complication des formalités que par le coût des envois.

Comme la réforme électorale, la réforme postale triompha en Février. Sans oser suivre jusqu’au bout l’exemple de l’Angleterre, qui, dès 1840, avait risqué « la lettre à deux sous ; » sans tenir compte, à plus forte raison, d’une proposition qui tendait à faire distribuer les lettres au prix de revient déboursé par l’État ; la loi du 24 août 1848 abaissa sur tout le territoire de la France (y compris la Corse et l’Algérie) la taxe des lettres pesant 7 grammes 1/2 à 20 centimes. Ce ne fut pas sans opposition. Il ne manqua pas