Page:Jaurès - Histoire socialiste, VII.djvu/62

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tuelle, qui était l’offensive, et soumis aussi aux délibérations du conseil qui penchait pour la défensive, mêla les deux tactiques : il conservait en France des garnisons sédentaires, qui seraient la seconde ligne sur laquelle l’ennemi viendrait se briser, mais il irait en avant surprendre dans leur inertie trompeuse les armées ennemies.

Elles sommeillaient, en effet, l’une à Bruxelles, l’autre à Namur. Le 12 juin, à trois heures du matin, Napoléon ayant, sous la présidence de Joseph, installé un conseil de gouvernement, quitte Paris. Il rappelle Ney de sa terre du Coudray, rejette le concours que lui offre Murat vaincu, repentant, mendiant sur la côte de Cannes un commandement, nomme Soult major-général de l’armée. Ce choix tombant sur l’homme de guerre, d’ailleurs médiocre, qui avait si platement servi la veille encore la cause des Bourbons, causa à l’armée une pénible suprise. En quelques jours Napoléon est en Belgique. Que faire ? Attaquer du même coup les deux armées, supérieures en nombre, c’est rassembler contre lui une partie de la coalition. Il faut les attaquer séparément. Par laquelle commencer ? Napoléon va bondir sur Blücher. Pourquoi ? Il escompte la tranquillité britannique, et espère qu’avant que Wellington soit venu au secours de Blücher, il en aura fini avec ce dernier. Le lendemain, il jettera sur l’armée anglaise ses troupes enivrées par la victoire.

Les ordres partent : on va attaquer Blücher, dont les corps dispersés sont éloignés les uns des autres, et n’ont pas, par prodige, connu l’arrivée de Napoléon. Mais déjà la fortune, si longtemps complice, marque son infidélité. Le matin du 25 juin, à cinq heures du matin, Bourmont monte à cheval, dépasse avec son état-major les lignes françaises, et passe à l’ennemi. Il avait la veille reçu les ordres généraux de marche. En quelques heures il fut à Namur. A-t-il communiqué ces ordres ? On ne sait. Mais il importe peu. Sa seule arrivée décelait la présence d’une armée proche, et le vieux Blücher allait se dresser. Au lieu de surprendre l’ennemi, Napoléon allait le rencontrer en armes. Il fallait changer de plan.

Tel fut l’effet premier de la trahison de Bourmont, qui affecta l’empereur et jeta dans l’armée le doute. De ce jour, l’armée se crut trahie par ses chefs, et quand résonnera, le soir de Waterloo, le sinistre cri : Sauve qui peut ! c’est qu’on attribuera à la défection la manœuvre suprême de Blücher. Bourmont, ancien chef de chouans, avait obtenu des grades dans l’armée. Lobeau, Davoust avaient refusé ses services au début de la campagne ; ce sont Girard et Ney qui l’avaient imposé. Il ne devait plus reparaître que pour poignarder Ney de son perfide témoignage devant la Cour des Pairs, et plus tard, sous les murs d’Alger, où il chercha une réhabilitation impossible, et que l’histoire, quand elle est faite de justice, doit refuser à sa mémoire. Napoléon précipite ses mouvements. Il marche en avant sur les Prussiens, dans la direction de Charleroi, avec la moitié de l’armée. Il culbute