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devoir », de faire respecter la constitution. Le 5 décembre, au soir, l’insurrection armée éclata : et les paysans vinrent pour la soutenir. Telles étaient les haines que des meurtres furent commis. Ces meurtres découragèrent les modérés ; les nouvelles de Paris achevèrent l’a déroute. Le dimanche, c’était le 7, « le comité révolutionnaire social » dut se rendre. « La République sociale » était vaincue à Clamecy. Le 8, les troupes avaient dispersé les paysans de l’Yonne et des cantons voisins qui accouraient.

Spontanément aussi, les départements du Sud-Ouest se soulevèrent. Ils avaient connu bien des variations politiques, un enthousiasme républicain exubérant en 1848, une réaction âpre en 1849 ; enfin, depuis lors, par une propagande méthodique, patiente, un renouveau de républicanisme et de démocratie. Une forte garnison tenait Toulouse ; le préfet Haussmann, un préfet à poigne, appelé à de hautes destinées, en imposa à Bordeaux. Mais, entre ses deux capitales, tout le Sud-Ouest remua : le Lot-et-Garonne, le Gers s’insurgèrent presque en entier. Dans le Lot-et-Garonne, Lavardac, Bruch, Xaintrailles, Villeneuve envoyèrent sur Agen des colonnes républicaines. A Marmande, les républicains modérés prenaient des décisions révolutionnaires, suspendaient le sous-préfet, nommaient un ancien chef d’escadron, Peyronné, commandant supérieur des gardes nationales de l’arrondissement, et organisaient à leur tour une colonne républicaine. La peur qu’avait Peyronné des démocrates avancés, des ouvriers, « des furieux qui voulaient barricader la ville » empêcha le mouvement de prendre une allure un peu sérieuse. Ici, encore les nouvelles de Paris achevèrent d’apaiser l’enthousiasme constitutionnel. Le 9, l’armée de Peyronné était dissoute. Dans le Gers, également, où les démocrates étaient encore assez forts, pour pouvoir se distinguer en républicains modérés et en démocrates-socialistes, les campagnes se soulevèrent. Les démocrates d’Auch rédigèrent un appel aux armes. Les « bons citoyens » des campagnes accoururent vers la ville « pour concourir à la défense de la République et de la Constitution. » Pour le bonheur de l’Élysée, cette Vendée républicaine manquait de chefs. Une collision sanglante avec la troupe amena sa dissolution. Mirande, d’autre part, était restée trois jours aux mains d’autorités révolutionnaires.

Quant au Sud-Est, il fut, lui aussi, violemment remué. De Lyon à Marseille, de Perpignan à Toulon, depuis le début du siècle, blancs et rouges bataillaient sans cesse : les haines étaient toujours prêtes à se réveiller. D’instinct, les républicains sentirent que c’était à leurs adversaires, que c’était aux blancs que le Coup d’État devait profiter. Depuis 1849, depuis que la réaction cléricale avait permis aux royalistes de relever la tête, la lutte, en effet, était redevenue plus âpre : la société des Montagnards avait rallié beaucoup de républicains ; les chambrées, les réunions de café avaient étendu la propagande : le premier moment de surprise passé, des masses se soulevèrent. A Béziers, le 4 décembre au matin, les autorités sans méfiance,