Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/124

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incité par la Papauté aveuglée, recommencera ses assauts, le parti républicain, maître du pouvoir se décidera, un peu tard, à agir, c’est-à-dire à séparer les Églises de l’État.

Le grand jour des débats parlementaires, s’il avait procuré, après une magistrale déception, quelques satisfactions de troisième ordre, d’ordre tout moral, c’est le cas de le dire, n’avait guère été favorable à la droite ni au gouvernement. Aussi bien leurs manœuvres avaient-elles besoin du mystère, puisqu’elles ne tendaient à rien moins qu’au renversement de la République et à la restauration de la monarchie, soit légalement, soit par un coup de force. Il y fallait non seulement de la discrétion, mais encore du temps et une convergence d’efforts soutenus, habiles. L’important était de se débarrasser de la politique courante, des maladroits, des agités capables par une fausse manœuvre de faire échouer les plans les mieux élaborés, les plus solidement établis. Aussi l’Assemblée se prorogea-t-elle jusqu’au 5 novembre. C’étaient trois longs mois de crédit ouvert ; il ne restait qu’à les bien utiliser. Dès la séparation recommencèrent les négociations auprès du comte de Chambord. La question du drapeau blanc se posait de nouveau au moment même où toute la France, particulièrement les départements de l’Est, se pavoisait de drapeaux tricolores pour célébrer le commencement de l’évacuation du territoire encore occupé par les troupes allemandes. Partout, dès le départ des arrière-gardes de l’envahisseur, des manifestations enthousiastes s’organisaient aux cris de : « Vive la France ! Vive la République ! » À ces manifestations, le ministère, faisant preuve d’une maladresse, d’une sottise insignes, afficha la prétention de s’opposer, parce qu’elles avaient un caractère républicain, et cette attitude provoqua, même chez les conservateurs que la passion politique n’avait pas tout à fait oblitérés, une véritable réprobation.

De même qu’au cours des précédentes négociations en vue d’une fusion entre les deux branches de la famille royale, la question du drapeau était la plus importante. Un point essentiel était acquis ; le comte de Paris avait rendu visite au comte de Chambord ; en apparence, la réconciliation était un fait accompli ; longtemps elle avait paru impossible. Une déclaration faite au duc d’Audiffret-Pasquier par le maréchal de Mac-Mahon, parfaitement tenu au courant des manœuvres des chefs de la droite, avait déterminé une démarche très pressante de M. Chesnelong : « On parle, avait-il dit, de substituer le drapeau blanc au drapeau tricolore. Je crois devoir, à ce sujet, vous donner un avertissement. Si le drapeau blanc était levé contre le drapeau tricolore, et qu’il fût arboré à une fenêtre tandis que l’autre flotterait vis-à-vis, les chassepots partiraient d’eux-mêmes, et je ne pourrais répondre ni de l’ordre dans la rue ni de la discipline dans l’armée ». Tout ce qu’avait pu obtenir l’ambassadeur royaliste, c’était une déclaration assez ambiguë ainsi formulée dans le procès-verbal du comité directeur des droites royalistes : « Le drapeau tricolore est maintenu ; il ne pourra être modifié que par l’accord du roi et de l’As-