Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/125

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semblée ». Ce n’était même pas là l’expression de la vérité, mais il fallait entraîner des hésitants de droite et du centre droit qui comprenaient la valeur de l’avertissement donné par le chef du pouvoir exécutif.

Toutes les dispositions étaient prises au point de vue parlementaire ; le jour même de la rentrée, c’est-à-dire le 5 novembre, un projet de résolution serait présenté à l’Assemblée déclarant que la monarchie héréditaire et constitutionnelle devenait le gouvernement de la France avec le comte de Chambord comme roi, les princes de la maison de Bourbon étant désignés comme ses héritiers directs.

A la vérité, les conspirateurs n’étaient pas sans de graves préoccupations, car les bonapartistes, dont toutes les espérances se seraient évanouies, se sépareraient brusquement d’eux ; le centre gauche, sondé, répondait par une déclaration nettement républicaine et un formidable mouvement de résistance, d’allure offensive, se déchaînait dans tout le pays. Puis, que ferait le maréchal de Mac-Mahon ? Comment le ferait-on disparaître du poste auquel l’avait élevé la majorité de l’Assemblée ? Ce n’était pas une quantité négligeable ? Quelle impression pourrait causer à ce soldat d’une intelligence modeste mais non sans fierté, la désinvolture avec laquelle on le « déposerait » ?

C’était la guerre civile déchaînée, sans nul doute. Les meneurs de la conspiration n’étaient pas hommes à reculer devant une telle éventualité ; ils comptaient sur l’armée et c’était pour eux l’essentiel. Mais, le 30 octobre, le comte de Chambord adressait à M. Chesnelong une lettre par laquelle furent anéanties toutes les espérances des conspirateurs qui se croyaient à la veille de la victoire. Tout en se tenant prêt à accepter de monter sur le trône et à agir dans ce but, il déclarait qu’il ne pouvait, sans manquer aux traditions monarchiques, à sa dignité, à son honneur, renoncer au drapeau blanc ; il ne pouvait consentir à « renier l’étendard d’Arques et d’Ivry »

C’était un nouvel avortement… et les voitures royales étaient prêtes !

De cet avortement naquit le septennat.

Le jour de la rentrée (5 novembre), le duc de Broglie donnait lecture d’un message par lequel le président de la République exposait à l’Assemblée tous les graves inconvénients de sa situation sans stabilité, partant sans suffisante autorité. Cette situation était grave pour lui, grave pour le pays profondément agité, où il fallait faire renaître le calme, élément essentiel de l’ordre. Le général Changarnier s’empressa de proposer, au nom de nombreux collègues, que le maréchal de Mac-Mahon fût maintenu, par une loi spéciale, durant dix ans, au poste qui lui avait été confié. Après une série de négociations, de transactions, une longue discussion au cours de laquelle M. Jules Grévy prononça un important discours, par 383 voix contre 317, le maréchal de Mac-Mahon était nommé président de la République pour sept ans.

Il n’est pas inutile de reproduire un des passages les plus importants du