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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/101

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notre cœur, mais vous y êtes de la manière que je viens de dire. On peut aimer et cependant fuir le danger : ce n’est pas ainsi que nous vous aimons. Voyez ici l’admirable prudence de l’apôtre ! Il ne dit rien des bienfaits qu’il leur a prodigués dans le passé ; il aurait l’air de les leur reprocher. Il leur en promet pour l’avenir. S’il vous arrive de courir des dangers, il n’est rien que je ne m’empresse de souffrir pour vous : car ni la mort ni la vie ne sont rien pour moi : mais partout où vous serez vous me rendrez ou bien la mort plus chère que la vie ou bien la vie plus chère que la mort. Souhaiter de mourir pour quelqu’un, c’est la plus grande preuve d’amitié ; mais qui refuserait de vivre, qu’il aime ou qu’il n’aime point ? Pourquoi donc l’apôtre voit-il en cela encore une marque d’affection ? Il ne se trompe point. Ils ne sont pas rares les gins qui partagent la douleur de leurs amis, mais qui bien loin d’être heureux de leurs succès, sont dévorés par l’envie. Pour nous, il n’en est point de la sorte. Si vous êtes dans le malheur, nous n’hésitons pas à compatir à vos souffrances ; si vous êtes heureux, nous n’éprouvons aucun sentiment de jalousie. C’est la pensée qu’il exprime de mille manières. « Vous n’êtes pas à l’étroit dans nos cœurs ». C’est nous qui sommes à l’étroit dans les vôtres. Recevez-nous, dilatez vos cœurs, nous n’avons « blessé personne ». Toutes ces paroles renfermaient quelque reproche ; et il en atténue l’effet, en disant : « Je vous parle avec une grande liberté ». Ce n’est donc point pour vous condamner que je vous ai tenu ce langage, mais bien parce que j’ai confiance en vous ; c’est la même pensée qu’il exprime ensuite : « J’ai grand sujet de me glorifier de vous… (4) ».
Soyez sans inquiétude, je n’ai pas du tout l’intention de vous condamner : je me complais en vous, je me glorifie à votre sujet. Seulement je veux votre bien, et je souhaite de vous voir faire des progrès dans la vertu. C’est ainsi qu’après avoir accablé les Hébreux de reproches, il leur disait : « Nous avons confiance en vos vertus, et nous vous croyons dans la voie du salut, bien que nous vous parlions de la sorte : Mais nous voulons que chacun de vous montre le même zèle à nous satisfaire jusqu’à la fin ». (Héb. 6,9, 11) N’est-ce pas la même pensée qu’en cet endroit : « Je me glorifie à votre sujet ? » Oui, dans les autres Églises, nous nous faisons gloire de vous avoir pour disciples. Quoi de plus propre à les consoler ? Et, sachez-le bien, je me glorifie abondamment ; aussi l’apôtre ajoute-t-il : « Je suis rempli de consolation ». De quelle consolation ? C’est de vous qu’elle me vient. Vous vous êtes corrigés, et vous m’avez consolé par vos œuvres. C’est le propre de celui qui aime de se plaindre de n’être pas assez aimé, et de craindre d’aller trop loin dans ses reproches, pour ne pas chagriner. C’est pourquoi l’apôtre dit : « Je suis rempli de consolation ; je surabonde de joie ».
2. Mais dites-vous, il y a là contradiction. – Point du tout ; au contraire ces diverses pensées s’accordent parfaitement. Grâce aux louanges que donne l’apôtre, les reproches seront mieux accueillis : toute dureté disparaît, et ces reproches produiront tout leur fruit. C’est donc fort à propos qu’il leur tient cet affectueux langage. Il ne dit pas : j’ai été rempli de joie ; mais, la joie « abonde dans mon âme » ; ou mieux encore, « la joie surabonde ». Il montre par là combien vif est son amour pour eux ! Les Corinthiens l’aiment ; il s’en réjouit, il tressaille d’allégresse ; cependant leur affection pour lui n’est pas aussi forte qu’il le désirerait, il n’a pas encore reçu tout ce qu’il voulait : tant son amour pour eux a de vivacité, tant il désire que leur affection pour lui s’accroisse encore. Si l’on aime avec ardeur, on se réjouit d’être payé même d’un retour quelconque. Cette joie que ressent l’apôtre est donc à elle seule une preuve de son amour pour ceux de Corinthe. Je suis consolé, dit-il fut reçu ce qui m’était a dû » ; quant à la joie que j’éprouve, elle surabonde : C’est comme s’il disait : Vous m’avez causé une profonde tristesse ; mais vous m’avez abondamment satisfait, vous m’avez consolé ; non seulement toute cause de tristesse a disparu, mais vous m’avez inondé d’une joie délicieuse. Pour en exprimer l’étendue, il ne se borne pas à dire : « Je surabonde de joie », mais il ajoute, « dans toutes mes souffrances ». Tel était ce plaisir figue vous m’avez procuré, que mes afflictions, si vives pourtant, n’ont pu l’étouffer. Tous ces ennemis au contraire ont comme disparu, et ont cessé de se faire sentir.
« Car étant venus en Macédoine, nous n’avons eu aucune relâche selon la chair ». – Il vient de parler d’afflictions ». Il en fait