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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/102

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voir maintenant la grandeur ; il la peint tout entière, afin de faire voir aussi la grandeur des consolations et de la joie qu’ils lui ont procurées. Cette joie en effet a dû être bien vive pour dissiper une telle douleur. « Mais nous avons toujours eu à souffrir ». Comment cela ? « Combats au-dehors », de la part des infidèles ; « frayeur au dedans ». Car il craignait de voir les faibles dans la foi se laisser entraîner à l’erreur. Ce n’est pas seulement chez les Corinthiens que de telles séductions avaient lieu, mais encore partout ailleurs. – « Mais celui qui console les humbles, nous a consolés par l’arrivée de Tite (6) ». Le magnifique témoignage qu’il vient de leur rendre, eût pu leur paraître une flatterie. Il prend à témoin Tit. son disciple, qui, revenant de Corinthe après l’envoi de la première épître, avait appris à l’apôtre le changement des Corinthiens. Voyez comme il apprécie la présence de son cher disciple ! Plus haut il s’exprimait ainsi : « Lorsque je fus arrivé dans la Troade, pour y prêcher l’Évangile, mon esprit n’eut point de repos, parce que je n’y trouvais point Tite mon frère ». (2Cor. 2,11) – Ici encore c’est le même sentiment : « Nous avons été consolés par l’arrivée de Tite ». Il veut recommander son disciple à leurs yeux, et lui concilier leur affection. Voyez comme il remplit son dessein ! En disant : « Mon esprit n’a pas eu de repos », il leur fait voir combien est grande la vertu de. Tite. Quand il dit ensuite : « Au milieu de mes tribulations, j’ai été consolé par son arrivée ; non seulement par son arrivée, mais encore par la consolation qu’il a lui-même reçue de vous », il lui ménage l’affection des Corinthiens.
Rien de plus propre à produire, à fortifier l’amitié, que de savoir qu’on donne de nous de bonnes, de joyeuses nouvelles. Ce que saint Paul affirme de son disciple : A son retour il a rempli de joie notre âme, en nous disant du bien de vous, et c’est pourquoi sou arrivée nous a causé tant de plaisir. Ce n’est pas seulement son arrivée qui nous a réjouis, mais aussi les consolations qu’il a reçues de vous. Et comment l’avez-vous consolé ? Par votre vertu et vos bonnes' œuvres. C’est pourquoi l’apôtre ajoute : « Il nous a rapporté vos désirs, vos pleurs, l’ardente affection que vous me portez… (7) ». Voilà ce qui m’a fait tant de plaisir ; ce qui m’a donné tant de consolation. Voyez-vous aussi comment il montre aux Corinthiens l’affection que Tite leur porte ? Ce disciple regarde leur vertu, leur gloire comme sa propre consolation, et de retour auprès de l’apôtre il s’en glorifie, comme s’il s’agissait de ses propres vertus et de sa propre gloire ? Quel sentiment dans ces paroles : « Votre désir, vos pleurs, votre ardent amour pour moi ! » La cause de leur douleur et de leur deuil était vraisemblablement le retard prolongé de saint Paul : ils se demandaient ce qui pouvait l’irriter contre eux. C’est pourquoi l’apôtre ne dit pas simplement « vos larmes », mais « vos pleurs » ; ni « vos désirs », mais « vos ardents désirs » ; ni votre impatience, mais « une sorte d’émulation » ; et « une émulation » en faveur de l’apôtre, sans doute contre l’incestueux, contre les accusateurs de saint Paul. Ma lettre, dit-il, vous a remplis de zèle et d’ardeur.. Ce qui le console, ce qui le réjouit, c’est l’effet que sa lettre a produit dans leurs âmes. Il leur tient, je crois, ce langage, non seulement pour les consoler au sujet de ce qui avait eu lieu, mais aussi pour animer ceux qui avaient réformé les abus. Plusieurs, ce me semble, méritaient les reproches de tout – à l’heure, et étaient indignes de tout éloge ; cependant l’apôtre ne fait aucune distinction ; – il leur adresse à tous et l’éloge et le blâme, laissant à la conscience de chacun de s’approprier l’un ou l’autre. De la sorte les reproches ne pouvaient blesser, et les éloges devaient exciter l’ardeur des fidèles.
3. Ceux auxquels s’adressent les reproches, doivent se lamenter et verser des larmes, désirer voir leurs maîtres, et les attendre avec plus d’impatience qu’ils n’attendraient leurs parents eux-mêmes. Ceux-ci leur ont donné la vie, mais ceux-là leur ont appris à bien vivre. Il faut supporter les reproches d’un père, il faut compatir à la douleur des supérieurs, quand les fautes de nos frères viennent les affliger. Il ne suffit point de leur zèle pour corriger les coupables, il nous faut agir de concert avec eux. Si le coupable se voit repris sévèrement par son père, puis entouré de caresses par ses frères, ne se pervertira-t-il pas davantage ? Aussi quand le père s’irrite, irritez-vous avec lui, puisque vous vous intéressez à votre frère et que vous partagez l’indignation de votre père. Déployez tout votre zèle, versez des larmes, non pas à cause des reproches adressés au coupable, mais à cause de sa faute. Si je construis et que vous démolissiez,