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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/103

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que ferons-nous autre chose que de nous fatiguer vainement ? Bien plus, vous assumez sur vous un châtiment. Celui qui s’oppose à la guérison d’une blessure n’encourt-il pas une peine plus grave que l’auteur même de la blessure ? N’est-il point plus criminel d’empêcher le remède que de faire la blessure ? L’un cause la mort, l’autre ne la donne pas toujours. Ainsi donc, lorsque vos supérieurs pour de justes motifs s’irritent contre vos frères, partagez leur indignation, et si vous les voyez reprendre un coupable, détournez-vous de lui plus vivement qu’ils ne le font eux-mêmes. Oui, que le coupable vous redoute plus qu’eux-mêmes. S’il ne craint que son maître, il ne tardera pas à pécher de nouveau. Mais qu’il ait à redouter une multitude de regards et de visages, il agira désormais avec plus de prudence. Si nous ne nous unissons à nos supérieurs, nous encourrons les peines de l’autre vie ; comme aussi en secondant leurs efforts, nous partagerons leur récompense, pour avoir coopéré à l’amendement du coupable.
Que telle soit donc notre conduite. Ne nie dites pas que les chrétiens doivent se montrer plein de bienveillance envers leur prochain sachez que pour être bienveillant ici, il faut s’irriter, et non pas user avant le temps, envers le pécheur, d’une indulgence qui l’empêcherait de sentir sa faute. Je suppose un fiévreux ou un frénétique. Serez-vous bienveillant à son égard en lui donnant la faculté de s’enivrer, en le laissant libre de faire tout ce qu’il voudra, tout ce qu’on peut faire en bonne santé ? Ne devrez-vous point plutôt l’étendre dans son lit, l’enchaîner, l’éloigner de toute nourriture, de tout breuvage qui ne conviendrait pas à son état ? Cette prétendue bienveillance ne ferait qu’accroître le mal ; cette sage sévérité au contraire l’empêchera de mourir. Il faut en dire autant des maladies de l’âme. Oui, il y a de l’humanité à ne pas se montrer toujours indulgent envers les pécheurs, à ne pas flatter sans cesse leurs passions. Personne n’aimait plus que saint Paul l’incestueux de Corinthe, et c’est pourquoi il le livre à Satan ; personne n’eut pour lui tant de haine que ceux qui l’applaudirent et le flattèrent. La suite le fit bien voir. Ses flatteurs enflèrent son âme, et son orgueil monta de plus en plus ; Paul comprima cette arrogance, et il n’eut de repos qu’après avoir entièrement guéri le malade. Eux, ils ne firent qu’aggraver le mal ; lui, il le détruisit jusque dans sa racine. Approprions-nous ces lois si sages. Si vous voyez un cheval s’emporter, bien vite vous lui jetez un frein, vous le retenez vivement, vous l’accablez de coups de fouet ; c’est un supplice sans doute pour l’animal, mais ce supplice le sauve.
Tenez cette conduite à l’égard des pécheurs. Chargez-les de chaînes, jusqu’à ce qu’ils aient obtenu de Dieu leur pardon ; ne les laissez point libres, de peur que la colère divine ne les enchaîne. Si je les enchaîne moi-même, Dieu ne les enchaînera point ; sinon, un jour viendra où ils seront chargés de chaînes qu’on ne pourra plus briser. « Si nous avions soin de nous juger nous-mêmes, nous ne serions point jugés ». (1Cor. 11,31) Il n’y a rien de cruel, rien d’inhumain dans cette conduite, soyez-en surs ; elle est au contraire très-bienveillante ; c’est le moyen le plus prompt, le plus intelligent de guérir les malades. – Mais il y a assez longtemps qu’ils souffrent, direz-vous ! – Combien de temps, dites-moi. Un an, ou deux, ou trois ? – Ce n’est pas au temps que : je prends garde, c’est à la réforme des mœurs. Prouvez-moi qu’ils se repentent, qu’ils sont corrigés ; et tout sera fait. S’il en est autrement, qu’importe la longueur dis temps ? Qu’on ait lié plus ou moins de fois une blessure, ce n’est pas là ce que nous tenons à savoir ; nous demandons si ce mal est guéri ; dans ce cas, qu’on cesse d’employer le remède. Mais si le mal persiste, qu’on l’emploie dix ans,.s’il le faut. Pour enlever les liens, consultez-les résultats obtenus. Prenons ainsi soin de nous-mêmes et des autres, ne songeons ni à la gloire ni à l’ignominie d’ici-bas, mais aux châtiments et aux opprobres de la vie future, prenons garde d’offenser le Seigneur, et imposons-nous comme remèdes de rigoureuses pénitences. Ainsi recouvrerons-nous promptement la santé, ainsi, parviendrons-nous aux biens éternels. Puissions-nous tous en jouir par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec lequel, au Père et au Saint-Esprit, gloire ; puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.